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La Bonne nouvelle

mise en scène Benoît Lambert

: Entretien avec Benoît Lambert

Entretien réalisé dans le cadre du dossier Pièce (dé)montée

Pourquoi considères-tu La Bonne Nouvelle comme une réponse à Bienvenue dans l’espèce humaine ?


Bienvenue dans l’espèce humaine mettait en scène deux conférencières néolibérales qui prétendaient aller très bien. Dans La Bonne Nouvelle, c’est comme si on retrouvait cinq ans après ces mêmes conférencières et qu’elles allaient très mal. Repentantes, elles se convertissent en renonçant à leur croyance dans le capitalisme.


Pourquoi parles-tu de croyance ?


Parce que le capitalisme obéit à un régime de croyance (cf. Lordon). Il met en jeu les affects beaucoup plus que les idéologies. C’est pourquoi, après une semaine de répétition, il nous a semblé plus juste, à François Bégaudeau et à moi-même de faire commencer la pièce par le récit de vie de Simon et non par un exposé théorique sur le capitalisme (ce qui, par ailleurs du point de vue de la construction dramatique de la pièce, est plus efficace dans la mesure où cela ne dévoile pas dès le début la raison du mal-être des personnages).


Pourquoi as-tu fait appel à François Bégaudeau pour écrire le texte alors que tu avais toi-même, par exemple, écrit le texte de Bienvenue dans l’espèce humaine ?


Précisément parce que je voulais que ces récits de vie constituent les temps forts de La Bonne Nouvelle (ils occupent dans l’économie générale de la pièce une large part : cinq monologues dans la première partie et six monologues dans la deuxième).
L’importance donnée aux récits de vie fait du reste sens puisqu’elle raconte précisément l’importance des affects dans les déterminations idéologiques. Mais comme personnellement j’ai du mal à « fictionner »... J’ai donc préféré m’adresser à François Bégaudeau qui est un romancier, qui sait donner chair et vie aux personnages.


Mais pour autant doit-on vraiment considérer la pièce comme une fiction ?


Oui et non. On a à la fois un dispositif non fictionnel, puisque des gens sont censés raconter leur vraie vie, et en même temps un dispositif fictionnel, puisque ces gens sont des acteurs et que le récit de leur vie est inventé.
J’aimerais, du reste, que la mise en scène rende sensible ce flottement, cet entre-deux au début du spectacle et que le spectateur ait un moment de trouble en se demandant à quoi il assiste : des gens qui, en adresse directe en bord de plateau, racontent vraiment leur vie avec sérieux ou alors des acteurs qui jouent un personnage (1) ?
Effet de réel, principe de réalité ou enjeux de théâtre ? Pour autant, contrairement à ce que j’avais imaginé au départ, je ne pousserai pas le brouillage entre vrai et faux jusqu’à créer un vrai site internet labonnenouvelle.com, à vendre la BD de La Bonne Nouvelle, à créer un blog ou à annoncer la vraie tournée du spectacle.
Sur les conseils de François Bégaudeau j’ai choisi d’assumer que ce soit avant tout une fiction. Quoi qu’il en soit la pièce, si elle fictionne, elle ne fictionnera pas comme d’habitude : les récits de vie seront présentés comme des scènes de reconstitution (en criminologie) ou des jeux de rôles à fonction thérapeutique.


« Fictionner ou ne pas fictionner » cette question semble te préoccuper !


En effet ! Jusqu’à présent je n’ai jamais vraiment renoncé totalement à la fiction même dans les spectacles appartenant au cycle Pour ou contre un monde meilleur où l’enjeu était surtout de traiter des questions politiques et sociétales (par exemple dans Le Bonheur d’être rouge, une fille racontait l’histoire de son père communiste mais c’était une fiction.)
Et dans La Bonne Nouvelle c’est bien au final une fiction, puisque la pièce ne fait pas monter sur le plateau de vrais cadres qui auraient rompu avec le système capitaliste. Il s’agit d’un théâtre documenté (puisque nous avons pris appui sur le témoignage de vrais cadres) mais non d’un théâtre documentaire.


Jean-Charles Massera, lui, en revanche, a clairement décidé de ne plus fictionner car il nourrit une méfiance de plus en plus grande envers la fiction. La fiction, pour lui, a trop à voir avec les story telling, ces mises en récit au service du pouvoir : ces belles histoires qui servent au pouvoir à nous raconter des histoires !
Pour ma part, je traverse une période de doute. Faut-il ou non sortir de la fiction ? Faut-il citer le réel ou/et le convoquer directement ? J’ai été très questionné par la pièce Rwanda 94 (2) , où le réel, grâce à des témoignages de rescapés du génocide, venait faire effraction de façon très troublante dans la fiction.


  • 1. Ce ne sera évidemment pas le cas pour le public dijonnais qui, lui, connaît déjà les acteurs !
  • 2. Rwanda 94, par le Groupov
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