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La Bonne nouvelle

mise en scène Benoît Lambert

: Théâtraliser un texte d'économie

Mettre le texte en voix et en espace


Il n’est pas rare, depuis Michel Vinaver, que les auteurs de théâtre s’emparent de domaines jusqu’alors exclus du champ théâtral (le monde du travail, l’économie...).


Proposer donc aux élèves de théâtraliser le texte de Frédéric Lordon qui figure deux fois dans la pièce. L’objectif étant de leur faire éprouver concrètement (voir Vitez) qu’on peut « faire théâtre de tout texte » (même d’un texte économique).


Les guider en leur donnant les consignes de jeu suivantes : mettre le texte en voix et en espace en le distribuant de façon chorale (les élèves se placent à des endroits différents de la salle de classe comme si leurs voix étaient diffusées par des hauts parleurs). Le dire avec des voix d’hôtesses de l’air pour un premier groupe et avec la scansion de manifestants en colère pour un deuxième groupe.


Extrait du texte de Frédéric Lordon


« Dans la finance dérégulée, la finance des marchés, la propriété fétiche de tous les investisseurs s’appelle la liquidité. La liquidité c’est la capacité pour un investisseur de rentrer ou de sortir du marché exactement comme il le veut ; c’est ce qui lui offre la possibilité, révérée entre toutes, de ne voir jamais son désir fixé et immobilisé. Ce qui restitue au désir une labilité intégrale et indéfinie.
Ton premier désir est d’investir dans l’entreprise A. Tu achètes des actions de la société A. Puis tu te dis : finalement, c’est pas de la A que je voulais, c’est de la B. Alors tu revends immédiatement les actions A. Tu le peux ! La propriété de liquidité te le permet. Le marché fonctionne H 24, la cotation étant continue euh etc. et je vais aussitôt investir dans la société B. Et puis je me dis, mais non finalement la société A c’était bien. Je veux y retourner. Et je peux le faire ! Allez, je désinvestis de la B, je retourne dans A, et puis si je veux la C dans la minute qui suit, je peux le faire également etc.
L’objectif de ce capitalisme-là, c’est la liquéfaction du travail. Il faut rendre le travail aussi indifférent et liquide que n’importe quel actif financier On peut passer de l’un à l’autre. Faire faire ceci ou cela aux salariés, sur simple demande. Et ça doit répondre à l’instant même. Au doigt et à l’œil. »



On rappellera aux élèves que Benoît Lambert se reconnaît volontiers brechtien. Or Brecht invitait les spectateurs à réfléchir mais empruntait pour cela des formes populaires et divertissantes.


Les élèves seront ainsi attentifs aux choix de mise en scène qui devront répondre à une double gageure : créditer d’un poids de sérieux et d’inquiétude la rhétorique du talk show tout en ayant une approche jubilatoire de sujets ardus (économico-politique) et a priori non théâtraux.


Expressions courantes en « franglais »


Demander aux élèves de relever autour d’eux des expressions courantes en « franglais » et d’en faire ensuite un jeu de profération en chœur. Puis, pour leur montrer qu’au théâtre le contrepoint (en l’occurrence ici, il s’agit de consignes de jeu opposées) contribue à l’ouverture du sens, leur proposer de dire les phrases du texte sans aucun accent anglais ! le plus rapidement possible avec le sourire, dans un premier temps, puis avec un grand sérieux comme si l’enjeu était vital.


Voir l'extrait "franglais"


Mettre en jeu


Leur proposer ensuite de mettre en jeu le passage suivant, une première fois en riant puis une deuxième fois de façon très sérieuse, et même inquiète.


Simon : – J’ai managé un MacDo, redressé un concessionnaire Audi, restructuré une antenne d’IBM, géré la fusion entre deux complexes agroalimentaires danois, communiqué sur un plan social chez Nokia, et puis j’ai intégré le pôle marketing d’un leader indien de films rétractables.


Jeanne : – C’était un principe de jamais bosser pour des boîtes françaises ?


Simon : – Non. Ça s’est fait naturellement.


Échange de sourires entendus. Les autres savent bien ce que recouvre ce «naturellement».


Madeleine : – Mais donc t’étais dans le cinéma ?


Simon : – Le cinéma ? Non, pourquoi ? Ah OK les films plastique... Les films plastique c’est de l’emballage. Par exemple qui recouvre les DVD, enfin à l’époque.


Marthe : – Après ça, le plastique il finit à la mer, les poissons le gobent, nous on gobe les poissons, et tout le monde bouffe du pétrole !

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