: La fable par l’auteur de la pièce
... Un jeune homme, Nicolas Kavalerov, juste aussi vieux que le siècle,
engage le combat avec son “bienfaiteur” Andreï Babichev – un
communiste et directeur d’un trust d’alimentation industrielle.
Kavalerov tient Andreï pour un imbécile, un “marchand de salami”, une
idole, dépourvue de sentiments, qui étouffe tout ce qui est
humain: tendresse, sentiment vrai, individualité.
Le jeune homme rêve d’être “le tueur à gages vengeur de son siècle”.
Il veut tuer le communiste Andreï Babichev, pour ne pas capituler
sans combattre cette nouvelle figure et pour ne pas abdiquer sa
personnalité propre qu’il considère hautement douée et
inéluctablement vouée à la destruction.
Une conspiration enfle contre le directeur. À la tête de la
conspiration se tient le frère du directeur, un personnage fantastique,
Ivan Babichev, le roi des oreillers : “Suivez−moi... vous les couards,
les jaloux, les amants, les héros... vous les chevaliers aux brillantes
armures... suivez−moi... je conduirai votre dernière marche.”
Ainsi crie le roi.
Le tueur à gages lève son bras. Il doit laisser une cicatrice “sur la
sale gueule de l’histoire”.
Mon but était de montrer qu’un engagement passionné n’est pas le
monopole exclusif du peuple du vieux monde, qu’un sentiment fort
n’est pas seulement pose, rodomontade et délire, que ceux qui
construisent le monde nouveau et une nouvelle façon de vivre sont
plus humains que n’importe qui d’autre et que ce qui semble à
l’homme condamné être la face de pierre d’une idole est en réalité
la face lumineuse de l’homme nouveau, incompréhensible pour celui
qui est condamné, qu’elle menace et qu’elle aveugle.
Toute une série d’accusations a été lancée contre moi à propos
de cette figure centrale, Andreï Babichev. Il est un fabricant de
saucisses – selon la critique – et rien de plus. J’ai délibérément
donné à mon héros communiste une profession étrange pour le rendre
théâtral et vivant. Ainsi, pour contrebalancer le discours éblouissant
des gens du passé, j’ai voulu faire le langage du héros brutal et
ironique, et j’ai voulu opposer le simple salami à Ophélie, la réalité
concrète à un romantisme vague.
Que ceux qui vivent encore dans le passé enragent, bouillent de
colère, écument de fureur parce que l’homme nouveau a le talent
pour être un poète du salami.
Il est plus effrayant de vivre quand on n’a rien pour quoi vivre.
C’est d’autant plus effrayant pour Kavalerov de vivre l’effondrement
de son romantisme quand il voit qu’il se brise sur une chose aussi
non romantique que le salami.
Iouri Olecha
Traduit du russe en américain et publié aux États-Unis par Daniel C. Gerould et Eleanor S. Gerould in Avant- Garde Drama, a Casebook, 1918- 1939, B. F. Dukore et D. C. Gerould éd., 1976, Thomas Y. Crowell Company, trad. française Michèle Raoul-Davis
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