“Le regard ne s’empare pas des images, ce sont elles qui s’emparent du regard. Elles inondent la conscience.”
Franz Kafka

La lecture de Kafka sur le rivage produit une suite d’images très riches et variées. Haruki Murakami sait suggérer par quelques lignes une ambiance visuelle qui inonde la conscience. L’enjeu majeur dans l’adaptation de ce roman dans un espace scénique est dès lors de choisir quelle image proposer au lecteur devenu spectateur. Ceci en laissant suffisamment ouvert le sens même de l’image pour que la sensation visuelle puisse laisser l’imagination du spectateur compléter l’image proposée. Le spectateur sera amené à ajuster sa vision sur ce qu’il percevra.

Kafka sur le rivage se déroule toujours dans un entre-deux: entre fiction et réalité, entre réel et imaginaire, entre concret et fantastique. Le glissement de l’un à l’autre se fait toujours avec beaucoup de douceur, sans que les personnages, et sans même que le lecteur n’en soient étonnés.

Il me paraît dès lors intéressant de chercher cet entre-deux que permet le travail de la lumière: entre lumière et obscurité, entre éclairage réaliste et éclairage symbolique, entre couleur et noir et blanc... Le rythme même du spectacle sera en partie indiqué par la lumière, qui doit permettre de passer d’un lieu à un autre très rapidement (au vu de la grande diversité des lieux traversés). Ce glissement pouvant être indiqué soit de façon brusque, soit par une sorte d’imbrication lumineuse des lieux imaginaires mitoyens. Il va sans dire que la position même des comédiens par rapport à la lumière participera à cet entre-deux, et que le travail de mise en lumière se fera de façon très rapprochée avec le travail de mise en scène.

Le travail de la lumière sera de l’ordre de la suggestion, en travaillant fortement sur les ombres portées des personnages et des objets qui pourront prendre sens dans l’image générale. Les rideaux semi-transparents de la scénographie seront le support de ces projections.

La réalisation de ce projet fera appel à des sources conventionnelles de théâtre, dissimulées afin de concentrer le regard du spectateur sur l’action elle-même. La lumière sera également crée par des vidéoprojecteurs qui permettront de définir des zones, des textures, des ambiances que les projecteurs traditionnels ne permettent pas. Stéphane Gattoni

Stéphane Gattoni