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Couteau de nuit

+ d'infos sur le texte de Nadia Xerri-L
mise en scène Nadia Xerri-L

: Que dit la pièce?

in Pièces démontées CRDP Reims

Dans Couteau de nuit, Nadia Xerri-L. focalise sa plume sur trois minutes qui précèdent l’ouverture d’un procès aux Assises, un an et demie après l’instruction. Sept protagonistes, l’accusé, un jeune homme de 25 ans et 4 autres membres de sa famille, le Frère du Tué (jumeau) et La Narratrice (Hélène) 30 ans, la tentatrice qui détient quasi la totalité du mystère de cette nuit là.
En attendant la Cour, victimes et “présumé” coupable vont se jauger en silence, entamer un dialogue non verbal, se découvrir des yeux, finalement ils vont libérer un flot de paroles, laisser s’échappe rune multitude de questions, uniquement dans leurs têtes, se parler à eux même mais également entamer de drôles de conversations. Trois minutes hors du temps où les monologues s’enchaînent pour former de multiples dialogues, s’aimer, se haïr, se dire, s’interpeler, se deviner, s’excuser, se parler, faire théâtre, en ce sens qu’ils réussissent à dépasser les limites de la communication habituelle, englobant lecteurs et spectateurs dans le drame que chacun vit mais aussi dans le drame collectif que pose cette pièce. Une tragédie du XXIe siècle qui met en exergue l’absence de responsabilité, qui appelle à l’engagement surtout de chacun pour une justice citoyenne, qui s’élève contre les non-dits vecteurs de graves situations de malaises, qu’ils soient sociaux ou familiaux.


Nadia Xerri-L. livre une pièce qui parle de la famille, sujet qu’elle affectionne tout particulièrement, non la famille pour la famille, mais la famille comme microcosme, image de la société. Rarement, dans le théâtre contemporain, on est entré dans la pensée des victimes et du “présumé coupable”, rarement, on a dressé pareil inventaire, questionnant du même coup la culpabilité et la réparation, les motifs qui peuvent conduire à commettre l’inimaginable, l’inhumain, plongeant dès lors, deux familles dans une détresse que seuls les mots peuvent aider à libérer, un peu. L’auteure les a ciselés à la taille du monologue intérieur, les a élevés en dialogues pour permettre à cette logorrhée de mots en embuscade de s’échapper. Le pardon est peut-être possible, la violence est peut-être évitable, pourvu que l’on rétablisse les ponts entre les individus, que l’on redonne du sens à la responsabilité et l’engagement, que l’on prévienne le pire en bannissant au moins les non dits, que l’on libère la parole afin qu’elle fasse théâtre, ce théâtre qui se cogne contre le réel selon l’expression de la dramaturge.


Reste enfin La Narratrice, clef de l’énigme, résidu du choeur grec, le coryphée, qui occupe un rôle charnière dans Couteau de nuit. C’est elle qui clôt la pièce par une réplique brève et cinglante sur laquelle chacun peut se pencher. Étrangère à la famille mais ô combien impliquée dans l’histoire. C’est à la fois une narratrice au sens où elle narre l’histoire en personnage omniscient, distillant les mots libérateurs avec parcimonie défaisant ou du moins relâchant les noeuds, un peu ; mais c’est également un personnage de la pièce et du drame par lequel tout est arrivé. C’est une tentatrice au sens fort du terme, une séductrice fatale qui, à défaut d’avoir pu assouvir son désir, a fini par provoquer l’acte incompréhensible commis par Alex au Tropical Bar, un jour d’anniversaire, 25 ans pour Rémi, la victime, et son frère jumeau. L’arme du crime est un couteau, symbole phallique, faut-il le rappeler. Hélène est un personnage double, qui ne sait concrétiser son désir, elle et Alex ne savent pas vivre les choses à temps, générant du coup la tragédie. Cette pièce parle aussi de cela.
Couteau de nuit se joue bien des codes de la tragédie et du théâtre lui-même, c’est en s’échappant au théâtre que cette pièce lui revient, le questionnant pour mieux l’enrichir. Unité de temps, de lieu et d’action mais le tout est monologué, atmosphère de huis clos, protagonistes, 7 points de vues tour à tour réquisitoires ou plaidoyers, qu’ils soient victimes ou accusé, plus un huitième, celui de la petite soeur absente au procès, que l’on devine. L’adresse au public est très réelle, chaque question nous pourfend. Le lien se construit entre les personnages et les lecteurs, spectateurs, en toute simplicité, dans le langage de la vérité. Le réel est insupportable, ensemble, on invente une solution, dire les mots (maux) et écouter pour commencer, se cogner à cette dureté pour se frayer un chemin, vers plus de responsabilité, plus de citoyenneté, plus de justice, d’humanité, vers plus de vie.

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