: Point de départ d’une tragédie contemporaine : un fait-divers lu dans Ouest-France
par Nadia Xerri-L
Tout est parti d’une lecture matinale du quotidien
régional, page Faits-Divers.
Un jeune homme de 26 ans est accusé
d’avoir tué de coups de couteau (jamais
retrouvé) un autre jeune homme, la nuit,
devant un bar – où ils avaient avec des amis
respectifs passé la soirée sans se connaître
et sans se parler, et où ils avaient trop bu.
Le procès commençait ce jour.
Le lendemain, de nouveau, j’ai acheté Ouest France. Je voulais savoir. Déjà je m’étais attachée à ce fait-divers banal mais tragique.
La veille, le « présumé coupable » n’avait fait
que répéter : « ce n’est pas mon histoire ».
J’avais besoin et hâte de savoir si enfin il
allait parler. Mais non, il allait en être de
même les deux jours suivants.
Trouvant son attitude – au sens propre –
incroyable, j’ai commencé à écrire dès le lendemain de la fin du procès qui l’avait reconnu coupable.
Il me fallait à hautes voix plurielles, incarnées et intimes poser certaines questions :
• comment et pourquoi un être humain peut-il sans raison apparente causer sur autrui l’irréparable ?
• comment peut-il vivre avec cet irréparable qu’il a commis ? Comment peut-il ainsi trouver la force de se responsabiliser de son acte ?
• comment un père, une mère, un frère, une soeur, et une petite amie peuvent-ils vivre leur lien à l’être aimé devenu assassin? Comment peuvent-ils encore l’aimer ? Comment peuvent- ils encore s’aimer d’avoir laissé cet être dériver jusqu’à l’irréparable ?
• comment peut-on continuer à être un individu lambda de la société quand son propre frère a été assassiné ? Comment peut-on rester humain quand l’inhumain a été perpétré sur un proche, un aimé ?
• enfin, comment peut-on cohabiter dans un lieu circonscrit et restreint comme une Cour d’Assises quand il y a face à soi la partie adverse ? Comment peut-on supporter cette proximité presque inconcevable ?
J’ai gardé du fait-divers les éléments du couteau disparu, de la seule phrase prononcée par l’accusé « ce n’est pas mon histoire», et je suis partie en fiction.
Poursuivant mon chemin artistique sur la
matière de l’intime, j’ai mis en perspective
mes préoccupations (la famille, la hiérarchie
au sein des groupes, les places attribuées à
chacun) en les confrontant à des réalités sociales : l’éducation (au sein de la famille et
de l’école), la notion de responsabilisation
dans la société actuelle, la justice (ses fonctions
en regard des moyens si fragiles qu’on
lui donne), et le milieu carcéral.
J’ai approfondi mon désir de donner corps et paroles aux non-dits et aux silences, en
faisant uniquement parler les pensées des
personnages.
J’ai aussi travaillé à dynamiser mon écriture
en la tissant de suspens, en la construisant
dans une tension ascendante : la fulgurance des trois minutes de silence avant l’ouverture du procès.
Et surtout j’ai aimé jouer et faire écho aux
clefs des écritures classiques de tragédie :
unité de lieu et de temps, construction en
trois actes, prise de parole chorale menée
par un coryphée (La Narratrice). Ce faisant,
ce me semble, j’ai mieux étayé le propos
contemporain, intimiste et sociétal de
Couteau de nuit.
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