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Angelo, tyran de Padoue

+ d'infos sur le texte de Victor Hugo
mise en scène Paulo Correia

: L'exploration des frontières

Collectif 8 s'inscrit dans une démarche de métissage entre les genres, les formes artistiques, explorant la frontière entre cinéma et théâtre, à la recherche d'un ”cinéâtre”.


La saison dernière, nous avons décidé de monter Médée de Corneille. Nous y avions vu un double intérêt : tout d'abord, la versification était un véritable défi dans notre univers artistique et esthétique, de plus cette pièce se situe à la frontière.... celle du bien et du mal avec cette héroïne ni victime ni bourreau, celle du baroque et du classique, celle entre l'homme et le divin et surtout celle entre un Peuple et l'Etranger.


Cette exploration des frontières est également à la source de notre choix avec Angelo, tyran de Padoue car on se situe à la naissance du drame romantique qui cherche à se libérer des règles classiques. Si on examine Angelo, tyran de Padoue, on constatera d’abord le non-respect de l’unité de lieu. À chaque journée correspond un lieu. On dénombre cinq lieux différents donc mais qui ont pour point commun de renvoyer au lieu clos, à l’enfermement, au secret et à la mort, à l’exception du jardin. L’unité de temps n’est pas respectée non plus : la pièce couvre trois nuits et deux actes se déroulent le jour.


On remarque aussi que la règle des bienséances est malmenée : si Rodolfo tue Homodei hors de scène, Catarina se donne la mort sur scène en prenant un narcotique qui simule la mort comme dans Roméo et Juliette de Shakespeare. Cela rappelle d’ailleurs la distance que Hugo veut établir entre le drame romantique et le théâtre classique ou le drame bourgeois.


Par ailleurs, Victor Hugo veut mêler les genres du tragique et du comique. Rodolfo pense que sa famille est marquée du sceau d’une malédiction qui entraîne ceux qui l’aiment à la mort. Ironie tragique : alors qu’il pense avoir perdu Catarina, c’est Tisbé – qui l’aime aussi – qui meurt de sa main. La dimension comique est assurée par les personnages d’Orfeo et de Gaboardo. Ils sont ”les dogues”, véritables cerbères des enfers de Padoue. Alors que leur seul nom devrait entraîner l’effroi, ils font naître le rire par leur côté pataud et leur bêtise. Enfin, Rodolfo et Catarina sont immédiatement identifiés comme des personnages romantiques. Ils ont cette soif d’idéal qui les a rapprochés, cet amour qui est resté pur malgré tout. Catarina ne dénoncera pas Rodolfo et préfère se sacrifier. Même Homodei et Angelo dans une certaine mesure appartiennent, eux aussi, aux personnages romantiques. Ils sont à la fois tout-puissants et malmenés par leurs pulsions et une entité plus forte qu’eux : Venise. Ils aspirent à un amour parfait mais se plongent dans les abîmes plutôt que de renoncer à ce qu’ils veulent. Tisbé est sans doute le plus romantique de tous ces personnages : animée par une passion dévorante, liée par sa condition de comédienne, à la fois jalouse et capable de sauver sa rivale pour son amant. Elle fait le don total d’elle-même : elle donne sa vie, sauve Catarina de la mort et du joug du Podestà pour permettre à son amant d’être heureux. Elle est l’image de la Pietà sacrifiée, sublime.


”Laissez-vous charmer par le drame, mais que la leçon soit dedans, et qu'on puisse toujours l'y retrouver quand on voudra disséquer cette belle chose vivante, si ravissante, si poétique, si passionnée, si magnifiquement vêtue d'or, de soie et de velours. Dans le beau drame, il doit toujours y avoir une idée sévère, comme dans la plus belle femme il y a un squelette.” [préface d'Angelo, tyran de Padoue par Victor Hugo]

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