Retraçant le procès de Michael Peterson, le f i lm de Jean-Xavier de Lest rade est un témoignage sur le fonctionnement de la justice américaine. Quant à Dorian Rossel et à son équipe, ils insistent , dans leur adaptation, sur la part de mystère et d’ambiguïté qui émane de ce fait divers.

LE DRAME

En décembre 2001, une femme est retrouvée morte en bas de l’escalier de son manoir. Cela se passe à Durham, en Caroline du Nord. Son mari, Michael Peterson, un écrivain célèbre, est rapidement accusé de meurtre. Il est mis en examen, puis libéré, moyennant une importante caution. L’enquête révèle rapidement les faces cachées de sa vie, qui seront des éléments cruciaux contre son cas : sa bisexualité et une affaire similaire, 17 ans plus tôt, lorsqu’une amie proche de Peterson a été retrouvée morte dans les mêmes circonstances. L’accusation s’appuie sur ces éléments, en se faisant relayer par la couverture des médias à sensation, tandis que la défense s’arrête sur le manque patent de preuves. Au cours d’un procès spectaculaire, long de cinq mois, Peterson est déclaré coupable par le jury populaire, inculpé d’une peine à perpétuité. Malgré plusieurs appels de son avocat et une nouvelle thèse élaborée par un groupe de soutien à l’écrivain, l’affaire semble désormais close.

LE FILM

Le réalisateur français Jean-Xavier de Lestrade est spécialisé dans les films documentaires portant sur les mécanismes de notre société et ses dérives, essentiellement à travers le fonctionnement de la justice. Il aborde des thèmes comme le crime sexuel (Viols et châtiments, L' Inceste face à la justice) et le génocide (Une Australie blanche et pure, sur la condition des Aborigènes d’Australie, La Justice des hommes, sur le jugement des criminels de guerre au Rwanda) . Dernièrement , les spectateurs de France 3 ont pu visionner son nouveau documentaire-fiction «Parcours meurtrier d'une mère ordinaire», retraçant l '«affaire Courjault».

Dans Un coupable idéal, couronné d’un Oscar en 2002, Lestrade retrace le procès d’un jeune Noir américain accusé à tort du meurtre d’une touriste fortunée. Au cours du procès, son avocat révèle les dérives procédurales de la police et des enquêteurs. Soupçons est comme le négatif de cette affaire : il montre le fonctionnement de la justice autour d’une affaire qui concerne non plus un ressortissant d’une minorité défavorisée, mais, au contraire, un individu issu des classes privilégiées.

Construit comme un thriller, qui souligne les rebondissements et le suspens de l’enquête, ce documentaire se décline en huit épisodes. Dans une succession de séquences, Lestrade confronte les thèses et les témoignages des différentes personnes liées à l’affaire : la défense, l’accusation et la famille Peterson. Il met aussi en évidence la récupération commerciale du fait divers par les médias. Enfin, il nous plonge au coeur du procès, qui se décline comme une véritable lutte entre les parties adverses : l’accusation attaque Peterson sur ses moeurs, en façonnant le portrait d’un homme « dangereux » et manipulateur ; la défense, quant à elle, s’appuie sur le principe du « doute raisonnable », puisque aucun mobile et aucune preuve tangibles ne peuvent être avancés. Soupçons est un document complexe sur le fonctionnement de la justice anglo-saxonne.