« Je fabrique les films de Trois contes grâce à l’outil vidéo. Je reprends à l’illustration la dimension picturale, le traitement elliptique du récit, l’arrêt sur image, le silence.
Je construis un découpage visuel des récits en forme de tableaux : perspective et profondeur de champ, surgissement des lieux, déclaration de la couleur. Mais l’immobilité vivante des protagonistes s’anime, et les actions s’organisent en séquences qui s’étirent pour faire place à la musique, pour accueillir pleinement rythmes et harmonies raveliens.
Les personnages semblent capturés par la vidéo. Le suspens de l’action érige le corps dans sa posture, en révèle les affects, les désirs et les contradictions : un froncement de sourcil, l’abandon d’une nuque, la menace d’une main…
Les mains sont muettes, elles ne délivrent rien. Les paroles, puissance de la langue, essence littéraire, surgissent d’une source invisible.
Les scènes d’intérieur alternent avec les extérieurs en forêt. La Forêt et ses déclinaisons sensorielles est tantôt généreuse-accueillante (Chaperon), dangereuse-inquiétante (Poucet), protectrice-magique (Belle dormant).
Chaque conte a sa lumière. Le Petit Chaperon Rouge baigne dans une surenchère de clarté incisive. La Belle au Bois Dormant ouvre à la coloration festive, au rayonnement pour son or et ses jeux dans l’étoffe. Le Petit Poucet appelle les indécisions de l’obscur, la brume et le ciselé de l’hiver.
Ces tableaux, au-delà de l’esthétique picturale et de la vigueur narrative, convoquent la pensée magique (animer l’inanimé) et l’illusion (créer une réalité subjective à partir de ce qui est perçu), deux processus majeurs de la créativité enfantine. »

Louise Kelh