: Drames de princesses
En 2000, alors que le parti d’extrême droite de Jörg Haider (FPO) entre au gouvernement
en Autriche, Elfriede Jelinek écrit Drames de Princesses, cinq tableaux autour du thème La
jeune fille et la Mort : Cependant, à travers nous, les femmes, parle toujours, quoi que
nous fassions, autre chose qui, malheureusement parle plus fort que tout, et cette chose
est la mort. C’est que nous manquons si souvent la vie. Certes, la vie parle aussi à travers
nous. Mais la mort parle plus fort. (Jackie)
Elle donne la parole à des femmes de légende, princesses des contes de fées, comme
Blanche-Neige ou La Belle au Bois Dormant, ou figures réelles comme Jackie Kennedy pour
examiner ce que Fassbinder appelait des machines à souffrir : les femmes. Elle dénonce
avec humour et cynisme le conflit entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui le
subissent. C’est-à-dire entre les princes et les princesses, parce que la femme est celle qui
n’a pas de lieu à elle et qui ne parle pas. C’est pour ça que, chez les femmes, il y a
brisure entre l’être et la parole. Je ne défends aucune vision féminine mais, pour moi, il
apparaît comme déterminant que la culture patriarcale existe et continue d’exister, une
culture dans laquelle les femmes ne trouvent pas leur place. (Jelinek en interview). C’est
avant tout par une exploration de la langue et de ses clichés que Jelinek orchestre les
confrontations entre ces princesses et l’autorité arbitraire de leurs charmants princes. Ma
voix. Ma voix. Ma voix. Ma voix. Ne dit rien. (Rosamunde)
Jelinek poursuit ainsi un travail sur la condition de la femme commencé avec Ce qui
arriva quand Nora quitta son mari (une suite à la Maison de poupée d’Ibsen). On a ici
cinq figures féminines qui viennent rejouer le mythe qui les retient et tenter une sortie.
Une sortie hors du silence. Dans le langage. Pour chacune, la tentative est différente.
Pour chacune, le degré de réussite différent aussi. Même si aucune de ces princesses, ou
anti-princesses, ne parvient à faire éclater patriarcat et carcans divers. Car ce dont il est
question ici, c’est bien d’incarcération. Comme si toutes les femmes étaient, selon Jelinek,
des hystériques enfermées dans l’aphasie et la paralysie.
Toutes. L’une après l’autre. Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant, Rosamunde, Jackie
Kennedy, Ingeborg Bachmann et Sylvia Plath. Toutes sont enfermées. Dans la beauté, le
sommeil, la mode, les bonnes manières, le mariage, la naïveté, l’éducation,... Robe -
cercueil de Blanche-Neige. Tailleur béton de Jackie.
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