: La langue de Jelinek
Jelinek donne des nouvelles de la complexité du monde. Et de la complexité de la psyché.
Le jury du Nobel parle notamment du flot musical de voix et contre-voix dans ses romans
et ses drames qui dévoilent avec une exceptionnelle passion la ngagière l’absurdité et le
pouvoir autoritaire des clichés sociaux. Ainsi, il n’y a pas de silence chez Jelinek : pas de
début, pas de fin. Elle trouve sa mesure dans la dilatation, la prolifération de la
profération. Elle mélange les registres de langue. Va et vient du modèle grec, absolu, de
l’origine magnifique de l’Antiquité au modèle populaire et trivial de la télévision.
Elle alimente ce flux langagier de métaphores opaques et de paradoxes. Voilà bien une
spécialité de Jelinek, produire métaphores et comparaisons qui viennent obscurcir le sujet
au lieu de l’éclairer. De même si, généralement, une porte doit être ouverte ou fermée,
chez Jelinek pas. La porte peut être ouverte et fermée : Il faut se taire, mais le plus
bruyamment possible dans le silence. / Une rareté comme moi n’est mise véritablement
en valeur que lorsqu’elle est absente. ( Jackie). Elle s’appuie aussi sur des mots-virus, qui
peuvent motiver et contaminer plusieurs pages, par associations incongrues,
comparaisons, retournements logiques,... Les mots ont chez elle une mission plus musicale
que fictionnelle. Jelinek cherche le beat, la saccade chère aux surréalistes. Elle godille.
Porte les signes du réel au-delà d’eux-mêmes.
D’où ses références constantes à la mode : mélange de frivolité e t de nécessité. Corps et
vêtement comme l’histoire indéfectible, la valse obligée, du fond et de la forme. Du texte
et de sa représentation. Mais du vêtement et du corps, qui ne peut exister sans qui ? Qui
donne sa forme à qui ? Encore l’affrontement du masculin et du féminin. En fait, Jelinek
renonce à l’héroïsme rationnel de nos langages. Oui, l’abandon de l’héroïsme est chez
elle une grande chose. Cf Artaud : Je n’aime pas les poèmes ou les langages de surface, et
qui respirent d’heureux loisirs et des réussies intellectuelles. Au passage, Elfriede s’offre
aussi des gags. Plus ou moins bons. Elle dit qu’elle ne peut s’en empêcher. Comme par
exemple de dire : Tout a un fin, sauf la saucisse qui en a deux. Elle ne peut pas s’en
empêcher.
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.