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De mon hublot utérin, je te salue humanité et te dis blablabla...

mise en scène Julie Kretzschmar

: Une fiction poétique centrée sur la figure des harragas

Les harragas


Les harragas occupent la une des médias algériens ces dernières années, ils sont ces nouveaux acteurs transnationaux, candidats à l’exil qui vont chercher ailleurs ce qu’ils ne peuvent trouver en Algérie.


Depuis le début des années 2000, ceux qui prennent la décision de partir clandestinement, embarquent sur des radeaux de fortune et tentent un périple en Méditerranée qui peut durer plusieurs jours, au péril de leur vie. Au gré d’un GPS qui s’ingénue à esquiver les paquebots de plaisance et les garde-côtes, ces frêles embarcations ne remplissent que rarement leurs promesses et de ces noyades multiples et anonymes, aucun chiffre officiel n’existe malgré l’ampleur d’un phénomène qualifié de « tragédie nationale » par l’État algérien. Une tragédie qui semble prendre le relais d’une autre tragédie, celle du terrorisme des années 90.


« Mieux vaut mourir mangé par les poissons que rongé par les vers » est un leitmotiv de la jeunesse algérienne, dont une partie n’imagine plus son salut ailleurs que dans l’exil, un exil d’une forme et d’une violence nouvelles.


« Al harga » signifie littéralement la brûlure, une notion étroitement liée à celle de frontières. Des frontières qui sont ces barrières que les harragas cherchent à contourner. Mais peut être que plus encore que la transgression des frontières spatiales et juridiques, « al harga » évoque une transgression d’une autre nature, celle que suppose le reniement de soi, de son identité.


En brûlant ses papiers avant de prendre la mer, le harrag brouille son histoire aux yeux des contrôles administratifs du futur pays d’accueil mais aussi à ses propres yeux. Dès le départ de son aventure, le harrag est prêt à renier toute son existence d’un côté – l’Algérie – et s’impose d’avancer sans possibilité de revenir en arrière.


Les prétendants au départ n’ont d’autre choix que celui d’aller de l’avant, d’aller jusqu’au bout. Tel un Tariq Ibn Ziyad, figure algérienne qui donna son nom au détroit de Gibraltar - un passage bien connu des harragas marocains - tel ce héros légendaire de l’histoire des conquêtes arabes, le harrag aussi brûle ses vaisseaux, avec pour seul possible, aller de l’avant.


Aller de l’avant, ligne de fuite mais aussi acte de désir plus fortement encore que l’expression d’une désespérance ; une prise de risque qui n’est pas uniquement dictée par la quête d’un Occident chimérique mais indéniablement une fuite qui interpelle le devenir de l’Algérie toute entière.


Le harrag, figure ulysséenne du texte de Mustapha Benfodil


Deux récits emmêlent la narration, deux récits qui avancent en parallèle, déclinant notamment trois partitions importantes : l’épopée périlleuse de « Tarik Ibn Harrag », figure du harrag, dérivant sur les mers du hasard, l’odyssée lilliputienne de « ProtoTarik », foetus voguant dans la « mer amniotique » et celle de Yasmina.


Esquisse de synopsis écrit par l’auteur :
Sur un bateau à destination d’un port méditerranéen embarque Yasmina. C’est son énième et « infinitième » voyage. Elle erre de port en port à la recherche de son fils ou d’un havre de paix pour son âme en lambeaux, pour sa conscience torturée. Son fils, Tarik, disparu en mer…


Comme prise de démence, elle ne cesse de répéter : « Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que je n’ai pas fait ? ».


Elle engage un étrange dialogue avec Apocalypso, la Mer-Sans-E.


Elle veut comprendre pourquoi son fils lui préfère cette charmeuse au coeur d’ogresse et ses abysses ténébreuses. Elle propose un curieux marché à Apocalypso : son corps en échange de celui de Tarik. Elle jette à l’eau une tombe à son épitaphe en espérant qu’elle remonte berceau.


Pendant que la voix cassée de Yasmina fend les mers en voguant sur des eaux inclémentes, celle de Tarik, doucereuse, fine, enfantine, l’accompagne dans sa quête éperdue.


C’est celle de Tarik à l’état foetal, en écho à l’odyssée utérine et l’aventure de la naissance.


Une autre voix, sourdant des abysses ténébreuses, est celle d’un Tarik qui coule. Récit macabre de son naufrage.


Neuf secondes qui anéantissent brutalement les neufs mois de la fertilité, les joies de la natalité et le grand récit d’une vie entière.


Le chemin qui va de l’utérus maternel au ventre de la mer : telle est l’odyssée tortueuse de Tarik et Yasmina.


C’est, en somme, l’histoire du « e » qui disparaît en cours de route.


Simple lettre qui se dresse comme un isthme protecteur : celle qui sépare les mots « mère » et « mer ». Une odyssée périlleuse qui jette en offrande à Poséidon la mémoire de tous ces jours que Yasmina avait cru heureux.

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