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Couverture de Nous, les héros (version sans le père)

Nous, les héros (version sans le père)

de Jean-Luc Lagarce


Nous, les héros (version sans le père) : Historique de l'écriture de la seconde version

d'après le ''Journal'' de Lagarce

Sélectionnés dans le Journal de Jean-Luc Lagarce, les passages suivants permettent de comprendre pourquoi et dans quelles conditions a été écrite la seconde version de Nous, les héros, et évoquent les difficultés rencontrées pour en monter la production.

Pour comprendre les origines de cette pièce, voir l'article correspondant au sujet de la première version.

Lundi 3 janvier 1994
Belfort. 13 h 45.



Ai terminé « comme ça »‚ en douce‚ Nous‚ les héros.


Je ne sais rien. État dépressif à cause de cet achèvement aussi peut-être.


Mardi 4 janvier 1994
Belfort. Théâtre. 11 heures.


(...)


Ai donné Nous‚ les héros à François. Mais je voudrais pouvoir m’arrêter un peu et souffler et réfléchir. (Mais je m’arrête‚ je ne recommence jamais.)


Aucun soulagement en écrivant.


Mardi 1er février 1994
Paris. Café Beaubourg. 14 heures.


(...)


Difficultés à monter la production de Nous‚ les héros. Faire une belle pause sabbatique avant le grand plongeon ?
Élizabeth m’appelle pour me dire tout le bien qu’elle pense de la pièce. Grinfeld de même ce matin.


Dimanche 3 avril 1994
Paris. Chez moi. 22 h 10.
Dimanche de Pâques absolument frigorifique. Soleil d’hiver déjà hier mais il fait très froid.


(...)


Très bonne nouvelle : nous reprendrons à Paris au TEP en octobre pour cinq semaines Le Malade.
Les nouvelles sont moins évidentes pour ce qui est des Héros‚ les acteurs ne suivront pas‚ peut-être. Nous verrons.


Samedi 16 avril 1994
Paris. Chez moi. 10 heures.


(...)


Lecture : Barthes.
Tourner autour de Labiche‚ ouvrages plus ou moins sérieux sur le Second Empire et regarder les images (costumes)‚ meubles.
Travail autour des photos de Sander‚ des tableaux de Otto Dix pour Nous‚ les héros.



Vendredi 6 mai 1994
Paris. Chez moi. 9 h 30.


(...)


C’est le jour où nous devions avoir la réponse de Paris-Villette. Le fait que nous ne l’ayons toujours pas n’est pas bon signe – les gens vous appellent pour les bonnes nouvelles et sont difficiles à joindre s’ils ont une décision négative –‚ cette attente m’agace‚ le fait qu’on ne me prenne pas au téléphone m’épuise. Et encore Les Héros soumis à ces atermoiements‚ c’est compliqué. J’étais « chagrin ». C’est le mot.


N’arrive pas à écrire le texte pour Théâtre Ouvert.


(...)


À 14 heures‚ 13 h 30‚ Irina Dalle m’appelle. J’ai franchement de la fièvre‚ je n’ai pas mangé. Elle veut me parler « de tout et de rien »‚ mais c’est des Héros surtout qu’il est question. Ils ont joué à Mâcon deux jours‚ ils sont à nouveau tous réunis‚ les représentations furent formidables et ils ont parlé beaucoup entre eux.
Le résultat des courses semble être qu’on veut que je fasse absolument le spectacle quoi qu’il se passe‚ « quand même ». Pour six ou huit fois‚ si nous n’avons pas Paris-Villette (et je suis sûr que nous ne l’aurons pas). Travailler à Rennes sur l’énergie‚ occuper tout ce petit monde‚ faire malgré tout un beau spectacle‚ que nous importe l’exploitation. Évidemment‚ c’est à moi de décider.
Avec beaucoup de délicatesse et de générosité comme toujours‚ elle m’explique que je semble m’éloigner du groupe‚ que je suis moins avec eux et qu’ils ont besoin de moi‚ et que si je ne fais pas ce spectacle‚ là‚ « quand même »‚ je ne le ferai jamais et que c’est grave. Longue conversation‚ donc. Pas simple pour moi. (La fièvre par-dessus.)
Vais manger à Montparnasse‚ lorsque je rentre vers 17 heures‚ je fonds en larmes.


(...)


Déjà chez moi‚ puis au restaurant‚ j’explique à François en essayant d’être clair‚ ma conversation avec Irina‚ représentante du groupe. Discussion longue. Il plaide beaucoup pour que je fasse « quand même »‚ que tout le monde est prêt à me suivre si je décide‚ que je ne peux rester à l’écart‚ refuser. J’essaie d’expliquer que je n’ai pas cette énergie‚ la force qu’ils ont‚ mais lui pense que c’est parce que je suis seul que je me sens incapable mais que je retrouve toujours une vraie énergie en travaillant.
J’essaie d’entendre. Je ne sais pas.
Faire un spectacle pour six fois – il est vrai pris dans une tournée du Malade‚ le nourrissant et s’en nourrissant – me paraît une folie‚ un travail épuisant‚ alors que je pourrais me reposer‚ travailler dans ma chambre. Non‚ je ne sais pas. (Je dois décider ce week-end‚ c’est évident.)


Mardi 10 mai 1994
Paris. Chez moi. 8 h 30.



Il est probable que je mette en scène Nous‚ les héros pour huit représentations à l’automne‚ ce qui est de la folie. Je commencerai à Rennes.
Ai modifié le texte ce week-end (suppression du rôle du Père) ce qui suppose que j’imaginais cette solution. (Suis réservé des avis des autres.)


Dimanche 15 mai 1994
Toulouse. Hôtel. Midi.


Lourde journée hier. Réunion avec tous les comédiens‚ techniciens à propos de l’automne. Reprise du Malade et création de Nous‚ les héros pour les six représentations qui restent. Belle et longue réunion dans une partie du salon‚ parmi des bananiers. Bonne qualité d’écoute de chacun‚ des uns et des autres.
Tout le monde veut répéter Nous‚ les héros en jouant Le Malade le soir (à Rennes‚ à Paris) et le créer.


À part ça‚ moi‚ me suis engagé à répéter le spectacle – et il n’est pas léger – les après-midi‚ à vivre loin de chez moi (Rennes ce mois de juin‚ Belfort et Caen à l’automne). Je ne crois pas en avoir la force et pourtant‚ j’ai dit oui.



Dimanche 26 juin 1994
Paris. Chez moi. 10 h 15.


(...)


Message de Denise (non‚ je l’ai eue « en direct »). Elle est la secrétaire de Attoun. Nous‚ les héros sera enregistré au début de l’automne à France Culture. Bonne nouvelle.


Vendredi 5 août 1994
Paris. Chez moi. 21 h 30.


(...)


Cet après-midi‚ ai bu un café avec Grinfeld. Il voulait avoir de mes nouvelles « comme ça ». Tout lui. L’air de rien‚ c’était très agréable‚ on est restés deux heures‚ nous n’avons parlé que de théâtre‚ Stuart Seide avec qui il avait travaillé‚ et Vitez (car il avait lu aussi les livres sortis...).
Il était dans un short type vieux militaire ou scout attardé‚ une chemise à rayures‚ des petits mocassins avec des chaussettes de ville‚ il a plutôt des jambes fines et surtout il ne bronze pas (il est comme moi pour un refus assez net du soleil). C’était quand même quelque chose cet accoutrement entre Jacques Tati et Jérôme Deschamps. (En fait je trouve qu’il a toujours une chose « poétiquement française »‚ une idée un peu imaginaire du Français. Renoir (Jean)‚ Tati‚ Courteline...)
J’aime bien ce garçon‚ avec ses « défauts » qui me font hurler (son rapport‚ son absence de rapport à la nourriture)‚ voir ce que j’avais écrit pour lui dans Les Héros.


Mercredi 24 août 1994
Paris. Chez moi. 13 h 30.


(...)


Lettre dithyrambique de Gabily sur L’Apprentissage (surtout) et sur Nous‚ les héros. Cela me fit de l’effet‚ tant de compliments. (Disproportionnés‚ tout de même !)


À propos de Nous‚ les héros‚ avons obtenu l’aide à la création. C’est une mauvaise bonne nouvelle. Hommage au texte si on veut et ridicule décidément de toute cette aventure puisque nous ne toucherons jamais cet argent (j’imagine mal désormais monter la pièce).
Elle commence à être enregistrée par ailleurs lundi à France Culture avec Piéplu‚ Laurence Bourdil‚ Dominique Blanchard‚ Jean-Michel Dupuis...
J’irai‚ je crois.


Mercredi 31 août 1994
Paris. Chez moi. 19 h 30.


Lundi et hier‚ enregistrement à France Culture de Nous‚ les héros. Aujourd’hui les ai abandonnés‚ mais c’était un beau travail. Réalisation Catherine Lemire et plutôt bons acteurs. Madame Tschissik était enregistrée par Laurence Bourdil et c’était vraiment bien.
Bon. Cela m’a un peu rassuré sur le texte (les acteurs étaient très chaleureux). Ce n’est pas du théâtre très moderne mais cela tient debout.


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