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Un Voyage d'hiver

mise en scène Stéphane Olry

: Automne

Je me souviens de cet instant plein de joie et de trouble où je sentais pour la première fois ma singulière existence ; je ne savais ce que j’étais, où j’étais, d’où je venais.
(Des sens en général - Buffon)


Comment en sommes-nous arrivés à l’idée du voyage d’une femme solitaire en hiver dans l’Artois ?
Sans doute par goût du jeu, de l’exploration, de l’expérimentation.


D’abord, Thierry Roisin, directeur de la Comédie de Béthune, nous a demandé d’imaginer un spectacle écrit à partir de matériaux collectés dans les villages aux environs de Béthune. Nous nous sommes rendus sur place. Je voulais écrire sur les frontières : géographiques, sociales, physiques, affichées ou discrètes ; Corine Miret voulait expérimenter l’exil : ressentir réellement solitude ou isolement, plaisir ou inquiétude des rencontres, disponibilité ou indifférence. Nous avons observé que si le Nord a été une terre d’immigration, aujourd’hui ses habitants voyagent peu. Ils demeurent au-dessus des mines de charbon fermées, comme dans l’attente d’une deuxième vie pour cette terre et pour eux. Une mercière nous a décrit tous les étrangers à son village (une demidouzaine) entrés dans son magasin ces dix dernières années.
Alors, Corine Miret, dans un bar à Béthune où nous réfléchissions au projet autour d’une bière, a dit : « Et si je devenais étrangère ? »
Elle vivrait l’expérience. J’écrirais à partir de son témoignage. Le produit de notre travail serait ensuite confié à des interprètes.
Il y a des années de cela, nous nous lûmes à voix haute les Mémoires de Casanova. Nous fûmes émerveillés par l’amour de la vie de cet homme et sa capacité à la remettre en jeu. Casanova se présente dans une ville. Il n’y connaît personne, mais parvient à se créer en quelques jours un cercle d’amis, à nouer des amours, à monter une entreprise (souvent frauduleuse), bref à vivre en quelques semaines ce que la plupart ne vivent qu’une fois dans leur vie. Comme le joueur absorbé dans sa partie de cartes, il s’investit totalement dans ces rencontres éphémères, il apporte tous ses soins à ses entreprises amoureuses, il ne semble à aucun instant encombrer son esprit par le souci de l’inéluctable fin des choses. Une fois la partie finie, une fois épuisées les rencontres possibles dans la ville, Casanova s’en va, protégé par la frontière et l’anonymat, rempli du souvenir de ses amours et de ses rencontres. Il ira ainsi jusqu’à Moscou.


Aujourd’hui, le temps de Casanova semble révolu. Les voyages les plus lointains se font en quelques heures.
Pour devenir un étranger aujourd’hui, peut-être faut-il se garder d’être un homme et d’aller loin. Mais au contraire, renverser la proposition : être une femme et voyager tout près, à deux cents kilomètres de Paris, là où il n’y a rien d’exotique a priori. Ne pas tenter de refaire les voyages brillants de Casanova, mais devenir la voyageuse, l’errante, l’étrangère, celle qui rôde et tourne autour des villages en hiver en Artois.

Stéphane Olry

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