Ils se sont donné une règle du jeu. Précise et contraignante.
Elle ira passer sept semaines seule dans l’Artois, une région où elle ne connaît personne et où on lui a dit que les gens sont accueillants. Coupée de son quotidien et de ses attaches parisiennes, elle fréquentera les lieux publics : les bars, les lotos, la mairie, les travées des stades, les cérémonies de mariages ou d’enterrements. Elle cherchera à établir des contacts, à se faire accepter, à s’intégrer. Elle s’appliquera à observer, écouter, sentir, toucher, goûter, parler. À l’issue de son séjour, elle organisera une fête rassemblant les personnes rencontrées lors de sa mission. Elle leur annoncera leur intention de monter un spectacle à partir de son expérience.

Elle, c’est Corine Miret, artiste chorégraphique. Avec son complice Stéphane Olry, auteur, comédien et metteur en scène, ils créent des spectacles hors normes nourris par un travail documentaire mené dans des archives, à travers des enquêtes sur le terrain ou des pratiques de vie singulières. Partant d’expériences vécues, ils tricotent des histoires qui mêlent avec malice le réel et la fiction. Pendant son voyage d’hiver à Béthune, Corine Miret rend compte à intervalles réguliers de son aventure à Stéphane Olry. Un agenda de ses journées, des enregistrements sonores sur un dictaphone et des objets glanés composent le matériau sur lequel va s’écrire le texte du spectacle, interprété par six artistes qui sont à la fois comédiens, musiciens, danseurs ou performeurs.

Le fil rouge est bien celui d’un récit de voyage, de cette parenthèse enchantée où, délestée de son passé, ignorant son avenir, l’agent secret Corine Miret a remis sa vie en jeu. Exilée volontaire dans une région proche, elle a éprouvé sa capacité à affronter l’inconnu, à supporter l’absence de tout lien antérieur, à se mesurer à elle-même. Pari risqué et exaltant qui rend la solitude vertigineuse et la rencontre magique. Missionnée pour pratiquer les frontières impalpables qui nous distinguent les uns des autres, elle a redécouvert le goût des autres, la sensation du divers.
Un Voyage d’hiver relate cette précieuse traversée, ces moments rares où, le coeur ouvert à l’inconnu, à l’imprévu, on savoure l’existence et le commerce du monde.