theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Ohne »

: “Une certaine idée du théâtre” Olivier Menu et Vincent Dhelin, “deux fous à réaction”

Le Roi Lear, La Cerisaie, Oedipe à Colone, Amerika, Tambours dans la nuit, et aujourd’hui Ohne… C’est le 6e spectacle qu’Olivier Menu et Vincent Dhelin donnent dans ce théâtre, hier La Métaphore, aujourd’hui Le Théâtre du Nord.
L’un est grand, l’autre petit ; celui-ci joue et dirige, l’autre préfère la mise en scène : ce sont Les Fous (à réaction), comme on a l’habitude de les appeler du nom de leur compagnie, installée depuis bientôt trente ans dans l’Armentiérois, tels les facétieux petits-enfants de la décentralisation….


Divertissement et aventure intellectuelle
Tout commence dans les années 80 au conservatoire de Roubaix avec Denise Bonal qui leur dit de ne pas faire de théâtre : « Vous n’aurez pas de travail » disait-elle, « Et voilà pourquoi nous en avons fait ! ». Ils forment alors un petit groupe d’acteurs emmené par Olivier Menu - Eva Vallejo fait partie de la troupe, Vincent Dhélin n’est pas encore de la fête – on dirait aujourd’hui un collectif. On est en 1985, date de On est toujours trop bon avec les femmes de Raymond Queneau, spectacle très influencé par le travail d’André Engel, « on emmenait les spectateurs en autobus à la Halle au sucre », se souvient Olivier Menu, rappelant qu’ils commencèrent par travailler des textes qui n’étaient pas des pièces de théâtre. Vincent Dhélin rejoint le groupe après une expérience d’assistanat à la mise en scène. Un second spectacle de la compagnie marque les esprits : Ne faites donc pas des yeux si romantiques (1989) évoque la rencontre entre Brecht, symbole du théâtre comme raisonnement sur le monde et le clown Karl Valentin, symbole du théâtre comme un divertissement prenant le monde par la dérision. Le spectacle part à Avignon, au Caire, etc. Les Fous reçoivent leur premier soutien institutionnel et comprennent que leur collaboration artistique a pris tout son sens : ils ne se quitteront plus. « Le théâtre d’idées qui nous est cher est celui d’Antoine Vitez : on sentait qu’il fallait ce croisement entre le divertissement et l’aventure intellectuelle qui permet d’être au plus près des populations ». Un an après, la rencontre avec Philippe Peltier les convainc de monter Le Roi Lear. Dans le même temps la DRAC leur propose de s’installer à Armentières où Le Vivat va s’ouvrir. « On y a développé tout un projet de rencontres avec le public où on présentait des spectacles et où on accueillait des équipes ». C’est ainsi que les premiers spectacles dans la région de Joël Pommerat passent par Armentières où il fait une résidence en 2003 et montre Pôles, tandis qu’en 2004, Pommerat s’installe, à l’invitation des Fous, à l’EPSM, l’hôpital psychiatrique où il tourne un film montrant les soignants (sans signe ostentatoire) et les soignés…


La thématique du travail comme fil conducteur
Une dizaine d’années durant, Les Fous travaillent sur des classiques avant de basculer sur des textes contemporains ouvrant un champ de réflexions sur des thématiques d’aujourd’hui.
Ils croisent régulièrement celle du travail qui devient une sorte de fil conducteur, le travail lié à la misère. Leur mise en scène d’Oncle Vania révèle une pièce sur le travail. Leur théâtre s’intéresse aux anti-héros. C’est au moment où ils jouent La Demande d’emploi de Vinaver qu’ils découvrent Ohne. La grande grève des intermittents de 2003 leur donne l’idée des trois Ohne à trois âges différents : « Pour les acteurs, la question du chômage se pose, non pas comme une période ponctuelle, mais comme une traversée dans la vie.
Depuis deux ans, Ohne est sur le métier. Un jeune comédien, Christophe Carassou a rejoint la troupe des fidèles qui vont et reviennent : Philippe Peltier, vieil acteur de la décentralisation, Aude Denis, Bruno Tuszcher… « C’est important pour nous d’avoir le temps de se connaître et de s’apprivoiser parce qu’on transmet aussi une idée du théâtre. Nous, on fait du théâtre à cause de Jean-Paul Wenzel et de Jean-Louis Hourdin, qui nous ont légué l’idée du choeur et du collectif. N’oublions pas que les théâtres ne doivent pas être que des usines à spectacles mais aussi des endroits où les gens se rencontrent et développent une idée collective sur un projet qui n’est pas seulement un assemblage de carrières et d’opportunités de distribution. Une distribution n’est pas un casting ! On a passé beaucoup de temps à travailler sur Armentières et il nous a paru évident que notre mission n’était pas simplement de produire et de vendre des spectacles mais de raconter le monde dans lequel on vivait, tout ce monde d’usines qui partait à vau l’eau. Le projet Ohne porte en lui tout ça ».

Isabelle Demeyère

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.