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Fritz Bauer

Pierre-Marie Baudoin ( Mise en scène )


: Le Dispositif

Fritz Bauer, homme qui n’a cessé d’être dans l’action, reconstruit devant nous le puzzle des errements auxquels il s’est livré pour faire aboutir ses procédures. Les questions qui viennent des récits produits depuis la salle, depuis cette petite assemblée constituée de témoins, d’acteurs et d’accusés sont reposées par le procureur qui souhaite nous faire partager les difficultés d’une justice qui a dû composer avec le cynisme des accusés et la facilité avec laquelle ils ont justifié leurs actes monstrueux.


Le procureur n’est jamais péremptoire, il ne détient aucune certitude, il est comme cette Justice qui doit, au fur et à mesure que l’horreur se dit, se réinventer et tenter de laisser de côté son affect et les questions politiques pour mener à terme ces procès vraiment extraordinaires comme « un procès pénal ordinaire, quoi qu’il en soit de son arrière fond ». Dans l’interprétation, nous chercherons davantage une complicité qu’un discours assuré et moraliste.


En tissant un dialogue avec les spectateurs, autour entre autres des réflexions de Hannah Arendt développées dans les textes – Responsabilité et Jugement et Eichmann à Jérusalem – le procureur souhaite reposer des questions simples: A quoi ont servi ces procès ? A qui sont-ils destinés ?


La devise de Bauer pourrait être : « On n’échappe pas à son Histoire ». La question incontournable à laquelle il a été confronté : Comment construire l’avenir d’un peuple sans balayer son passé d’un revers de main ?


Au milieu de ce méandre de fauteuils numérotés quelques femmes et quelques hommes. Témoins et accusés redisent leurs expériences du camp ; l’enfer pour les premiers, le paradis pour les autres. L’enfer pour les témoins car leur peine est infinie, parce qu’ils ont tout perdu et qu’ils ne verront jamais leurs bourreaux condamnés, le paradis pour les accusés car ils ne seront jamais réellement iniquités et qui savent de toute façon que leur jugement ne sera jamais exécuté.


Pour donner des éléments factuels, nous procéderons à une double projection. Sur un écran nous projetterons des dessins d’une simplicité excessive, ils viendront donner ponctuellement des éléments de la topologie du camp et figurer, par des croquis, le visage des principaux accusés. Sur les fauteuils et sur les corps des acteurs des chiffres, des graphiques et des formes abstraites viendront animer un espace mental d’images connues de tous mais refoulées. Lumière et vidéo viendront sculpter cet espace infini, ces rangées de fauteuils qui sont autant d’inconscients à éveiller. Ces formes que nous mettons en mouvement sur les corps même des acteurs sont, comme le dit Hannah Arendt qui compare la limite entre raison et pulsions à de la gelée, des formes abstraites, des matières inertes en mouvement.


Non seulement les nazis, par leurs mensonges, avaient élevé le rebut du genre humain au rang d’élite, mais ceux qui ont vécu au nom de l’idéal nazi de la «dureté» et en sont encore fiers étaient en fait de la gelée. Tout se passe comme si leurs humeurs toujours changeantes leur avaient enlevé toute substance, la surface solide de l’identité personnelle, être bon ou mauvais, tendre ou brutal, un idiot «idéaliste » ou un pervers sexuel cynique.
Extrait du spectacle, Fritz Bauer…

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