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Képzeletbeli operett (L'Opérette imaginaire)

+ d'infos sur le texte de Valère Novarina traduit par Zsofia Rideg
mise en scène Valère Novarina

: Quadrilogue autour d'un pot de jacinthes

Extraits d’une conversation entre Valère Novarina (auteur et metteur en scène), Christian Paccoud (compositeur), Adélaïde Pralon (assistante) et Zsófia Rideg (dramaturge et traductrice).

Zsófia Rideg : C’est Jacques Le Ny qui a provoqué notre rencontre dans le cadre de l’Atelier Européen de Traduction qu’il dirige à Orléans…


Valère Novarina : Jacques a eu l’idée que Christian Paccoud vienne participer à une soirée centrée sur la musique qu’il compose pour mes spectacles. Christian a mis en place un atelier avec les acteurs de Debrecen. La musique était une voie de passage idéale. Nous allions nous comprendre d’abord par la musique. Construire le pont. Ce fut une très belle soirée... Les acteurs ont chanté des chansons de Christian extraites desdifférentes pièces… La musique a provoqué un contact charnel entre nous et les acteurs. La musique avait ouvert le passage.


Adélaïde Pralon : Les acteurs sont aussi rentrés dans L’Opérette par les chansons.


Christian Paccoud : Au départ, j’ai senti chez eux une formidable joie de chanter. Comme en France, où l’opérette est née de l’envie qu’avaient les acteurs de chanter. J’ai retrouvé cette même envie, ce même enthousiasme, une énergie incroyable et une grande facilité. Quand on nous a proposé de monter un spectacle à Debrecen, il nous a paru évident qu’il fallait choisir L’Opérette.


Zsófia Rideg : Tu as compris la musique hongroise !


Christian Paccoud : Nous l’avons comprise. Elle n’est d’ailleurs pas si éloignée de notre musique à nous, de la musique oubliée : celle du folklore. Nous avons réussi, après quinze jours de traversée de la langue à la nage, à faire à nouveau exister les chansons. Très vite, les acteurs s’en sont emparés avec une fabuleuse énergie. La langue de Valère transparaît quoi qu’il arrive. Si un mot ou une phrase sont en trop, on s’en aperçoit tout de suite. Un grand travail de prosodie a été fait pour trouver les mots justes. L’Opérette n’a en rien perdu sa force : tout rejaillit. (…) Le spectacle a été magnifié aussi par la présence de Lajos Pál, l’accordéoniste, qui porte toute la Hongrie en lui et qui connaît tout, de la musique classique à la musique folklorique. Il est entré facilement et avec enthousiasme dans notre musique qui n’est ni française ni hongroise. Louis est arrivé avec son style hongrois- florissant et il a compris très vite qu’en allant vers notre musique cubiste, simple et architecturale, il pouvait porter toute la pièce.


Valère Novarina : Peux-tu parler un peu de la traduction ?


Zsófia Rideg : Nous avons travaillé une semaine chez toi, à la montagne, en skiant. J’ai compris ton texte dans la neige, autour des abîmes. J’avais le même vertige qu’en me promenant dans tes textes…


Christian Paccoud : Il y a eu plusieurs étapes dans la rencontre entre le théâtre français et le théâtre hongrois. Au départ, on nous avait un peu pris pour des Français typiques et il a fallu passer le cap. Je répétais souvent : «Je ne suis pas la Tour Eiffel» ! Nous n’étions pas seulement Édith Piaf ou Maurice Chevalier, mais des «creuseurs» du langage. Une fois que cette compréhension a eu lieu, une porte s’est ouverte. Pour nous aussi, il a fallu dépasser les clichés des nationalités pour entrer dans l’humanité des acteurs. Les spectacles de Valère sont des voyages.
Tout le monde doit monter dans le bateau. Les acteurs ont compris qu’on allait faire un voyage inhabituel, comme passer le Cap Horn avec un youyou.


Valère Novarina : Il ne s’agissait pas seulement d’exporter de la littérature française. L’Opérette joue sur beaucoup de registres et multiplie les couches de langage. Il fallait transcrire cette richesse en puisant dans la langue hongroise.


Zsófia Rideg : Par exemple, j’ai utilisé du «csango» et ces passages fonctionnent très bien dans la pièce. C’est la langue d’un peuple isolé de Roumanie qui vit en Moldavie. Ils parlent un hongrois archaïque qui date des XVe et XVIe siècles.


Adélaïde Pralon : Comment s’est passé le travail sur le texte avec les acteurs ?


Valère Novarina : Les acteurs hongrois sont profondément marqués par la tradition stanislavskienne. Or, plutôt que de «construction du personnage», je leur parle sans cesse de «construction de la pièce». L’Opérette est discontinue. La pièce est en morceaux épars. Il ne faut pas chercher la continuité. L’acteur crée l’espace et l’espace est créé par la parole. La pièce est un organisme vivant qui s’édifie sous nos yeux. Chaque syllabe du texte porte toute la pièce. Il ne s’agit pas pour l’acteur de passer avec un personnage dans une intrigue mais de délivrer le rêve éveillé des spectateurs. (…) Il est vital que le texte s’épanouisse physiquement dans sa musicalité – comme une onde – et que la parole soit présente dans l’espace. Les acteurs doivent avoir la sensation que le langage ne ramène pas à eux, à l’intériorité du personnage, mais va vers le public, ouvre chaque spectateur. Le langage n’est pas introspectif. Une opération anatomique s’effectue : le langage est montré dehors. Le langage se manifeste dans l’espace, il nous atteint, nous agit. Il ne nous exprime pas. Le langage est inhumain, extérieur à nous, comme un phénomène de la nature. D’ailleurs, les yeux ouvrent la voix. L’état d’offrande et d’ouverture du visage épanouit la parole. Le texte est donné par l’acteur. Le théâtre est le lieu du don de la parole.


Propos recueillis à Debrecen (Hongrie), le 5 avril 2009

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