: Paroles de metteur en scène
par Christophe Sermet
Morceau de théâtre inclassable et inattendu, Hamelin m’a immédiatement interpellé, intrigué, irrité…
L’auteur n’y va pas par quatre chemins : il est question de pédophilie, un juge enquête sur un notable lourdement
soupçonné de s’attirer les bonnes grâces d’une famille pour abuser des enfants. Faire du théâtre avec ça ? C’est
dérangeant, forcément. Un plateau de théâtre est-il le bon endroit pour aborder cela. Y a-t-il là matière à
spectacle, à divertissement ?… Je crois que c’est justement le sens et la force du théâtre aujourd’hui : poser les
questions qui gênent, qui mettent mal à l’aise, qui fâchent. Qui remuent le couteau dans la plaie de l’indicible. Qui
abordent ce qui fait mal à la société et qu’elle a tendance à refouler.
Sous l’enquête linéaire, façon polar, se cache une autre histoire, vieille comme l’humanité. Le vieux conte de
notre enfance du joueur de flûte qui se venge des villageois qui l’ont abusé en les privant de ce qu’ils ont de plus
cher. Un conte tellement cruel que la fin en est incertaine et multiple. Comme si la pire fin, celle de la disparition
définitive des enfants, était connue de tous, mais que personne n’osait l’admettre. Chacun se racontera sa propre
fin, comme chacun se construira le décor du drame en fonction de son vécu, de ses peurs…
Hamelin ne tente pas de fournir de réponses, ni de juger. Le juge Montero du récit s’avère d’ailleurs rapidement
impuissant.
Hamelin tisse une toile, patiemment, au fil du récit. Un piège à certitudes qui attrapera tous les acteurs du drame.
Les monstres désignés et les tenants du bien. Et finalement les enfants…
Tous sont pris au piège du doute, de l’incertitude qui est le principe de la pièce. Toute la société est questionnée:
la famille, les milieux socio pédagogiques, la justice, les médias, la cité tout entière. Personne ne trouve les mots
justes. Car le vrai enjeu est celui-là : la valeur et les limites de la parole, du langage.
Une phrase revient souvent dans le texte : « Parler à un enfant est la chose la plus difficile au monde ». Parler de
l’enfance blessée est délicat au théâtre. Comme le dit Mayorga, « il faut avancer avec précaution », mais sans
rien édulcorer. Sur le fil.
Commencer avec peu de choses, à l’économie. Partir du vide, du récit, du choeur des sept acteurs. Nous verrons
bien de quoi nous aurons besoin en plus des mots et des corps.
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