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Dom Juan

+ d'infos sur le texte de  Molière

: Entretien avec J.-F. Sivadier (La Rose des Vents)

Propos recueillis par Marie-Cécile Cloître pour La Rose des vents scène nationale de Villeneuve d’Ascq (extraits)


Après Le Misanthrope qui a connu un grand succès, vous allez mettre en scène un autre Molière, Dom Juan, en 2016. Qu’est-ce qui a motivé le choix de cette pièce ?


JFS • Cette pièce occupe une place particulière dans mon parcours : je répétais avec Didier-Georges Gabily en 1996 sur son diptyque qui associait Dom Juan à l’un de ses textes intitulé Chimère quand il est mort et j’ai dû achever le travail de mise en scène. Tout en étant attiré par cette œuvre pendant des années, j’étais trop marqué par le travail de Didier. J’ai senti que c’était maintenant le bon moment. Par ailleurs, quand on choisit une œuvre, il y a un mystère et c’est pendant le travail que les raisons qui nous ont poussé vers elle se dégagent et s’éclaircissent. Ce qui me plaît dans ce texte, c’est qu’il s’agit plus de cirque que de théâtre : Molière a inventé une forme inédite en mêlant des éléments de comédie, de tragédie, de pastorale... Un autre élément intéressant : dans le dénouement, on a l’impression que Molière ne croit pas à la punition de son personnage.


Dom Juan vous paraît-elle en résonnance avec notre époque ?


JFS • Les journalistes de Charlie, malgré les menaces, ont décidé de continuer à faire ce qu’ils savaient faire : faire rire par leurs dessins de toutes les religions. Malgré les avertissements qui jalonnent l’intrigue, Dom Juan pousse jusqu’au bout, presque jusqu’au non-sens, son désir de liberté contre la morale, la religion, la pensée de l’époque. Ainsi, malgré son égoïsme, il est un libérateur et un progressiste : il travaille à l’érosion du vieux monde dans lequel il vit. Par ailleurs, Dom Juan est pris dans un mouvement permanent comme pour fuir une seule définition de lui-même, le désir qu’il a des femmes dépasse les femmes et, en ce sens, il incarne bien la maladie de notre époque qui consiste à désirer toujours autre chose que ce que l’on possède ou à vouloir faire autre chose que ce que l’on fait : le désir du héros en devient abstrait tant il est illimité. Un autre élément lié à notre temps est à l’œuvre dans la pièce : n’exister qu’à travers le regard de l’autre. Il s’agit enfin pour moi de dégager des idées plus larges : Dom Juan, qui se définit par la somme des femmes qu’il a, ressemble à un acteur, se définit par la somme des rôles qu’il joue.


Y a-t-il des points communs entre votre approche d’Alceste dans Le Misanthrope et celle de Dom Juan ?


JFS • Quand je commence un projet de mise en scène, j’aime enlever les clichés qui collent à la peau de l’œuvre : ici, par exemple, que le héros est un bourreau et les autres personnages, des victimes. Ils se révèlent beaucoup plus ambigus et « le grand seigneur méchant homme » devient un espace de projection de leurs propres fantasmes. Contrairement à Alceste ou à d’autres figures comme Arnolphe, Dom Juan ne défend rien activement : il fonctionne par la négative, c’est Sganarelle qui le fait parler pour qu’il donne sa vision du monde. Alceste expose sa détestation de l’humanité à laquelle seule échappe Célimène qui constitue un contrepoint ; Dom Juan va encore plus loin en désirant sans aucune restriction, sans aucune limite. On trouve un point commun chez les personnages centraux de Molière : la certitude qu’ils sont au-dessus de l’humanité moyenne avant qu’ils ne se retrouvent à la fin dans une position commune à tous les hommes : s’exiler, mourir...


Dans cette nouvelle création, je suppose qu’on retrouvera votre esthétique qui repose sur le jeu du théâtre avec lui-même ?


JFS • Avec Molière, homme de théâtre par excellence, il est difficile de faire autrement ! C’est lui qui jouait Sganarelle à la création et il connaît parfaitement le monde auquel il s’adresse. Ce valet qui commente tout ce qu’il se passe est presque brechtien et la distance constante qu’il introduit est une façon de jouer avec la représentation elle-même. Comme Alceste le misanthrope se trouvait au plateau devant tout un groupe humain, le public, Dom Juan le séducteur évolue sur la scène sous le regard d’une foule de spectatrices. Molière joue avec tout cela.


Et pour la distribution de cette nouvelle création, vous faites appel à vos comédiens habituels ?


JFS • Ils seront six au plateau : Nicolas Bouchaud jouera Dom Juan et Vincent Guédon, Sganarelle ; avec eux, Stephen Butel, Marie Vial et deux nouveaux venus : Marc Arnaud et Lucie Valon que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans des ateliers. Je leur ai proposé de faire partie de l’aventure car ce sont de vraies rencontres et je sens que ce sont « des acteurs pour moi » ! (Sourires)

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