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Je voudrais être légère

mise en scène Alain Fourneau

: La Pièce

C’est la première phrase du texte de Elfriede Jelinek "Je voudrais être légère", phrase qui donne la couleur à ce qui va suivre : un manifeste contre les formes traditionnelles de la représentation théâtrale, basées sur une vision mimétique de la réalité.
Dans la suite du texte, s’affirme une prédilection pour la vie dans ses manifestations les plus simples, qui n’auraient pas besoin d’un processus de sublimation artistique pour susciter l’intérêt des spectateurs.
Serions-nous devant une pensée de type poujadiste, qui regarde avec suspect toute excroissance intellectuelle sur le corps de la "vraie" vie ?
Non, car le discours de Jelinek est beaucoup plus complexe : on peut en fait se demander qui parle, qui est-ce qui se cache derrière la première personne du monologue.
Comme on peut le voir aussi dans d’autres textes de Jelinek, ce n’est pas l’auteur dans les vestes de narrateur démiurge qui habite tout le temps ce "je" grandiloquent, mais parfois une foule agitée d’enthousiasme, convaincue et intolérante, qui n’est pas sans rappeler la description inquiétante que donne Elias Canetti de la masse. L’opinion de ce "je" collectif s’exprime souvent par des lieux communs, formules stéréotypées dégainées avec d’autant plus de force que leur contenu paraît contradictoire, sinon creux – "Du théâtre faisons table rase !"- semble dire ce "je" sur un ton autoritaire, ou plus précisément : "Il ne doit plus y avoir de théâtre", et encore : "Nous seuls (les spectateurs) sommes vrais … Devenons nos propres modèles et saupoudrons la neige, les prés, le savoir. De quoi ? Mais de nous-mêmes, voyons ! Tout sera bien". La phrase conclusive suffit à donner les frissons, dans la perspective à la Orwell d’une société qui refuse toute confrontation avec l’autre, anesthésiée par ses émissions télé.
Et pourtant l’espoir humaniste d’une vérité "sans ornements" se fait place, dans l’image de vêtements flasques et négligés, qui pendent aux cintres en attendant que quelqu’un les remplisse.
Ce sont les personnages, qui attendent comme dans une pièce de Pirandello d’être investis, sinon abusés, par les acteurs. Ces mêmes acteurs qui deviennent plus loin des "sacs à provisions vides, les sacs à provisions flasques et prosaïques" brutalement remplis de sens par le metteur en scène. L’ultime sens du théâtre devient alors celui de montrer "le pouvoir des meneurs de jeu qui font marcher la machine".


La conscience politique de Jelinek s’accommode bien de la métaphore théâtrale : son théâtre "sans contenu" adhère à la surface du monde, dans son acception plus contemporaine, le langage.
Les mots "de tous les jours" portent les traces d’une violence banalisée, d’une hypocrisie qui s’érige en valeur. Pauvres mots qui s’agencent à nouveau pour freiner la quête de consolation, d’illusion, de croyance. Ces mots regardent bien les choses en face, et nous regardent aussi, au passage, nous, les observateurs inoxydables.

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