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Anticlimax

mise en scène Selma Alaoui

: Entretien avec Selma Alaoui le 31 mai 2007

Pourquoi avoir choisi ce texte de Werner Schwab pour une première mise en scène ?


J’entretiens un rapport très intime à ce texte. Il parle de la construction de soi dans le chaos du monde et pose la question de l’identité.
D’où venons-nous, où allons-nous ? Quel héritage la famille et la société nous transmettent-elles ? Est-on capable de rompre avec cet héritage ? Est-ce que d’ailleurs exister c’est rompre avec la continuité ?
Ces questions ont eu des répercussions dans ma propre vie. Je suis née en 1980, et j’ai parfois la sensation d’être un pur produit de la fin du XXème siècle avec toute les blessures que ce siècle porte, sans doute parce que je viens d’une famille meurtrie par la guerre. Je suis à un moment où je me demande d’où je viens, quelles sont mes origines et à quoi j’aspire.


Est-ce que ton expérience trouve un écho dans Anticlimax ?


Anticlimax est une pièce à la fois concrète et métaphysique. Elle a un goût de réalité et renvoie à la vie quotidienne, mais sa portée est bien plus large : elle questionne l’existence humaine.
La petite Marie est en pleine crise existentielle. Ca se traduit chez elle par une psychose mélancolique : elle passe de l’abattement à l’agitation. Et elle se débat confusément avec la question du sens de la vie. J’ai la sensation d’appartenir à une génération assez désorientée face à cette question, avec un horizon flou, une multitude de repères et de possibles, mais sans véritables engagements ni idéaux. Une génération qui ne se sent nullement concernée par la mort, mais qui a du mal à trouver sa consistance, et se trouve coincée entre insouciance et angoisse face à son avenir.
Ce texte m’a également plu pour sa radicalité : c’est un univers délirant, ultra-violent mais drôle. Humour et horreur s’y rejoignent de manière très subtile.
L’écriture de Schwab, par sa singularité, propose de réinventer l’acte de parler au théâtre. Schwab pose la parole comme une nécessité et le plateau comme un lieu bien vivant. Il rêve d’un théâtre qui coïncide avec la vie, et ce qui est vivant implique l’imperfection, la laideur, la violence…
C’est pour toutes ces raisons que j’ai voulu mettre Anticlimax en scène.


As-tu retravaillé le texte ?


Par petites touches. L’esprit même de l’écriture de Schwab est que son texte est une matière au sens littéral. Elle doit rester vivante et malléable, organique. J’ai gardé la structure narrative du texte mais j’ai retravaillé certaines parties pour qu’il y ait une plus grande homogénéité. Je n’ai jamais coupé le texte à priori, je l’ai d’abord expérimenté avec les comédiens avant d’apporter des modifications. J’ai fonctionné de cette manière parce que c’est sur le plateau que la langue prend corps et qu’on la reçoit vraiment.


La langue est extrêmement importante chez Schwab. Comment vas-tu traiter les mots ? et le lien que Schwab faisait entre musique et texte ?


Schwab a écrit son texte comme une musique brute et humaine. Ce n’est pas une écriture esthétisante mais concrète et surtout, malicieuse. Il s’amuse à jouer des sonorités et à détourner le sens des mots. Il n’écrit pas pour être bien dit mais pour faire bouillonner ceux qui parlent cette langue et ceux qui l’écoutent. C’est une écriture organique, qui vient des tripes. Il faut que les mots viennent également du ventre chez les acteurs.
C’est pour cette raison qu’avec les comédiens, il y a un vrai travail d’ingestion et de digestion du texte avant de monter sur le plateau. C’est une langue plutôt déroutante parce qu’il faut accepter d’en avoir une perception non pas intellectuelle mais sensible. Les acteurs doivent parfois faire appel à la sensation où à l’image que leur évoque certains passages plutôt qu’à une compréhension intellectuelle du sens des mots. Pour le spectateur, c’est la même chose.


Schwab livre un texte où l’obscénité est omniprésente, comment vas-tu la traiter ?


Anticlimax est une pièce tellement excessive qu’elle en est drôle. Il y a un trop-plein de tout dans cette pièce : de mots, d’horreur, d’obscénité, de pulsions, d’élans philosophiques inattendus et démesurés.
Je crois que Schwab se fiche de la vraisemblance. De toute façon, tout est tellement énorme, que si on cherchait à jouer une obscénité vraisemblable, ce serait un peu ridicule, et surtout, pas très drôle. La pièce est délirante, il faut donc traiter l’obscénité et la violence de manière ludique et fantaisiste. Et surtout pas de façon sérieuse et grave. C’est du théâtre, je ne cherche pas le réalisme !


Comment les acteurs se situent-ils par rapport au texte, aux mots, à l’obscénité, au délire ?


L’objectif est que les acteurs arrivent à gagner le plus possible en liberté et en amusement.
J’ai voulu créer un rapport de complicité avec le public : un contact direct, simple, spontané aux spectateurs. Les acteurs doivent pouvoir trouver une souplesse làdedans. Il y a donc interaction et décrochage par rapport au public. Ils doivent en tout cas s’efforcer de donner l’impression que la parole se crée au présent.


Et au point de vue de la scénographie ?


Le décor sera une pièce à vivre difforme, un peu monstrueuse. J’ai voulu que le décor corresponde à un réel grossi, décalé : qu’on ait l’impression d’être dans un intérieur familial mais qu’il se passe des bizarreries. Par exemple on pourrait entrer et sortir par les murs !
En même temps, l’espace de jeu doit être simple, car tout repose sur la parole et la façon dont les acteurs en prennent possession et s’en amusent.

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