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Anticlimax

mise en scène Selma Alaoui

: Note d’intention

Anticlimax n’a pas bonne réputation. C’est sans doute pour cette raison qu’il est très peu monté. Mon projet est justement de montrer qu’au-delà de ses premiers abords effrayants, il y a là une oeuvre rare, sensible et très concrète théâtralement. On ne peut être la réduire à une pièce abrupte et provocatrice dont la force réside dans la violence des actions scéniques indiquées par les didascalies. On ne peut pas non plus la considérer comme une ébauche brouillonne de Schwab. Au contraire, je crois que c’est l’une de ses pièces les plus accomplies, tant au niveau de la mesure des choses que de la rigueur de la langue.
En fait, on a retrouvé cette pièce inachevée à la mort de Schwab. C’est en quelque sorte sa pièce définitive, non pas parce que c’est la dernière, mais parce que c’est la dernière qu’il avait projeté d’écrire. Il envisageait d’arrêter le théâtre après cela, il voulait « en finir avec cette merde ». Anticlimax vient clore le cycle de ce que Schwab avait appelé Les Drames fécaux, qui regroupe ses quatre pièces essentielles. Les premières scènes comportent des trous, mais sa construction révèle une rigueur extrême. Schwab savait très bien vers quoi il allait. Il a affiné la langue comme jamais, pour en faire le vecteur d’une perception très fine du monde.


Ce que j’aime dans Anticlimax, c’est que Schwab pousse au bout tout son système et ses paradoxes. L’argument de la pièce est simple, les personnages sont des figures types. Il y a une base de théâtre très simple, immédiate, identifiable par tous. A cela, s’ajoute une complexité de la langue qui confère à la pièce une beauté mystérieuse. Pour moi, cette contradiction peut produire un théâtre atypique. Le spectateur se trouve devant un objet qui lui est à la fois totalement étranger et complètement familier. La langue renforce l’artificialité de la pièce, mais tant d’éléments renvoient à la réalité, qu’il ne peut que s’y reconnaître.
Je suis persuadée que la langue d’Anticlimax crée un effet terrible. Cette parole a des propriétés quasi incantatoires et ne peut laisser indifférent celui qui la reçoit. L’écriture de Schwab porte en elle une volonté ferme de changer la destination de la parole au théâtre. Le simple fait de dire devient primordial. Les personnages d’Anticlimax passent de détails insignifiants aux réflexions politiques, métaphysiques ou poétiques, peu leur importe. L’essentiel est qu’ils parlent. Ils ont une nécessité impérieuse de dire leur monde intérieur à l’univers entier. Parce que « Parler, c’est si tranchamment beau », comme dit la petite Marie. En fait, en mettant la parole au premier plan, Schwab place la scène comme lieu d’interaction et d’échange très fort. Je me retrouve là-dedans. Pour moi qui suis au début de mon métier de metteur en scène, le questionnement sur la nécessité de faire du théâtre, de dire est omniprésent. Or c’est cela qui est au coeur d’Anticlimax. Je crois que la pièce offre le champ d’un théâtre humain, où des individus prennent la parole, parce que c’est vital et qu’ils espèrent profondément faire entendre ce qu’ils ont à dire à d’autres individus.


J’entretiens un rapport très intime à ce texte. Il parle de la construction de soi dans le chaos du monde et pose la question de l’identité. Qui sommes-nous au début de ce 21e siècle, entre le passé déchirant du siècle précédent, ses génocides, ses guerres, et le futur menaçant d’un siècle à venir instable, exubérant, conflictuel ? Qui sommesnous, entre le poids de notre héritage familial et notre petite existence que nous essayons de mener tant bien que mal ? Dans Anticlimax, Schwab brasse les petits riens du quotidien autant que des bribes de l’Histoire de l’Humanité : le singulier côtoie l’universel, la vie de famille côtoie l’Existence humaine. Et au milieu de cela il montre l’être humain, désorienté, qui aspire à exister dans le bruit et la fureur…


De plus, la langue de Schwab procure un grand plaisir de jeu aux acteurs. Il s’agit là d’un défi. Parvenir à s’approprier les clés de ce langage est un challenge. Et dire un tel texte entraîne un état très fort. Il requiert un investissement entier, et, en juste retour des choses, il offre une jouissance énorme…

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