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Algérie 54-62

+ d'infos sur le texte de Jean Magnan
mise en scène Robert Cantarella

: Note dramaturgique 1

Algérie 54-62
Note dramaturgique 1


Voir Passion de Godard. Se rappeler Violences à Vichy de Vincent.


Ce ne sera ni l’un ni l’autre. Pas l’indétermination du premier face à l’histoire (elle est irracontable. Je vous en raconte 1000 balançant entre l’esthétique et le théorique. Pas le savoir, voire la sagesse, l’aspect quasi impersonnel du second : sérénité du spectacle, relative neutralité.)
Ceci très rapidement dit pour situer deux pôles d’exemplaire rigueur.


De fait, pour nous, il y a “ un fait d’Histoire ” : la Guerre d’Algérie est ce qui s’appelle “ de l’histoire ”.
Cette “ histoire-là ” et le fait de “ Guerre ”, à la fois sont tout à fait parties intégrantes de nos personnes, et simultanément constituent des “ faits ” (ont une extériorité).


Il subsiste de plus, quant à la Guerre d’Algérie, des tabous. On en parle jusqu’où ? On commence d’en parler, mais comment ?


(Nous n’avons probablement rien à en “ dire ”, de cette guerre - et le théâtre n’a peut-être rien à dire, qu’il ne dise mal, du fait même qu’il n’est pas “ lieu de vérité ” mais “ de présence ”,


- Comment le théâtre, plutôt, peut être en rapport avec le fait de guerre, voir qu’il est un art violent, comme il y a un art de la Guerre.)

En toile de fond : Les Sept contre Thèbes d’Eschyle (militaire, dramaturge et metteur en scène).

Tenter de prendre l’histoire “ par derrière ”, à savoir dans l’imaginaire, autant que “ par devant ” comme “ après-coup ” racontable (des gens ont parlé, leurs paroles sont écrites). Comment l’histoire prend source dans l’imaginaire et vient se concrétiser en faits.
Un imaginaire collectif et personnalisé, individualisé (le théâtre) : celui pour qui la Guerre d’Algérie est étroitement intriquée au quotidien, et à “ l’éveil du printemps ” ; celui pour qui elle est un fait d’histoire lointain et extérieur ; celui pour qui c’est de la mythologie, pour tel autre, matière à écrire, combattre par la parole, tel autre, du théâtre, etc. - ces “ celui ” ne renvoyant pas à des “ personnages ”.


En fait, schématiquement, deux axes qui se croiseraient, en se déplaçant sans cesse : l’imaginaire / le fait de guerre.


L’imaginaire :
L’Algérie dans l’image et le livre d’école depuis 1830.
La mythologie de la conquête (l’Algérie est et restera française).
Le Vrai, le Juste, le Supérieur / le barbare, le sauvage. Les chameaux et le lion de Tartarin.
Celui pour qui l’Algérie, ce sont des singes / Celui qui se rappelle avoir vu une guenon de la Chiffah arracher son ruban de cheveux à une petite fille.


Le fait de guerre, dans son absence, c’est-à-dire non représenté dans ses aspects les plus spectaculaires. Lieu possible : un cantonnement, pendant la Guerre d’Algérie. Lieu d’attente, lieu retranché, mais non entièrement coupé ; lieu où l’imaginaire pressé par le réel, étranger et hostile, fonctionne à plein, profondément entaché par le danger. (Cf. la ville des Sept contre Thèbes et le Capo Etéocle. Petit ballet de douze paras !)


La guerre elle-même est ce qui “ dynamise ” le spectacle : la multiplicité des antagonismes que met en œuvre la constitution des images (plus que la représentation de la violence) ; ou le “ cut ” dans la parole (plus que l’affrontement verbal, le dialogue. Ce qui n’exclut pas le contre-point d’une parole quotidienne).
Guy Mollet face à un arabe en 1830.
La djellaba / le fusil mitrailleur.
(Partir une chanson en tête) Alger sent la chèvre et la fleur de jasmin / Alger sent le camion militaire.
Alger la blanche /Alger en treillis.

Concrétiser donc dans l’espace du théâtre (théâtre des opérations / théâtre aux armées) – clos comme un cantonnement – un imaginaire multiple, éclaté comme après l’explosion d’une bombe ; dont les différences (du fait de la multiplicité) manifestent “ l’état de guerre ” dans l’absence de représentation du “ fait de guerre ” (irreprésentable comme étant le spectacle tragique par excellence. Le Polémos, père de tout, selon Héraclite.)


Ce qui implique que l’on travaille bien sûr sur le livre, sur l’image, du présent comme du passé – ne serait-ce que pour raviver le souvenir, et comme soutien d’un ensemble d’images qui se cherchent. (Ce qui implique probablement une réflexion sur l’image violente au théâtre). …
L’écriture devrait faire partie intégrante du processus d’invention du spectacle – se réservant un temps pour s’organiser ensuite, s’écrire précisément… puis s’inscrire dans le spectacle, trouver la forme définitive...


“ Le ton juste ” me semble-t-il devant être “ la Peur ”.
Le Juste : celui qui a peur ? – souvenir personnel : je n’ai moi-même jamais eu peur pendant la Guerre d’Algérie. Pensée de moi-même comme injuste. Vrai ou faux problème ?)


Pour le moment, il y a des “ idées ” d’images, plus que des images. Les images devant être, me semble-t-il, pour être des images de théâtre, des images dynamiques, sous-tendues par un sentiment puissant. Exemple : la peur.


Explication du “ ton dérisoire ” (… si nécessaire) : manière pour moi de contrebalancer un mouvement de haine quelque peu infantile… ou dont l’expression serait “ primaire ” (cf. The Wall). Arriver, telle est mon envie, à une haine plus “ archaïque ” dans l’expression que primaire. Il y a quelque chose de sauvage dans la Guerre d’Algérie et l’affrontement de pensées préhistoriques.


Il faut que chaque image tende vers le récit d’une histoire… qui peuvent être autant d’approches de l’histoire qu’il y a d’acteurs… ou groupes d’acteurs. A l’heure actuelle semblent se dégager, dans les chiures de mouches écrites, deux événements “ historiques ” de la Guerre d’Algérie : Sakiet / Bataille d’Alger. Mais peut-être faut-il que de nombreux moments historiques soient, non pas “ évoqués ”, mais comme points vers lesquels tendent des images au départ “ a-historiques ”.


1982 - Extrait du Journal de Jean Magnan

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