… et le baobab tenait à l’aise dans un pot de réséda.
A. Daudet

La Méditerranée a son tragique qui n’est pas celui des brumes.
A. Camus

Vingt ans après, se rappeler la guerre d’Algérie.
Se la rappeler parce qu’elle est tout à fait inscrite dans nos corps, dans nos pensées, autant que comme fait historique concernant notre présent politique (la France d’aujourd’hui, dans ses institutions, sort de la guerre d’Algérie et ses clivages idéologiques).

Raconter la guerre d’Algérie, sur une scène, dans un théâtre, cela va de soi, n’a pas de sens. Est déplacé à l’extrême.
C’est ce déplacement-là qui sera recherché, celui, constitutif du fait de mémoire.

Non point donc une “ vérité historique ”, ou vouloir mieux raconter et montrer des faits connus de tous, exposer plutôt un état de choses dans le souvenir, comment ces choses nous reviennent, et tenter de les percevoir dans leur texture imaginaire la plus élémentaire : au ras de la poussière et du malheur.

Ou mieux : tenter de mettre en scène une multiplicité d’éléments dissonants, conflictuels, à leur insu, dans leur naïveté, à partir desquels, nécessairement, la guerre éclate, produisant des faits historiques.

Aux commencements du théâtre qui est toujours le nôtre, une tragédie raconte la guerre exemplairement : Les Sept contre Thèbes. Eschyle, soldat poète et metteur en scène, tout ensemble.

Trouver une manière de dire, aujourd’hui, un état de choses, la Guerre, qui, quelles que soient les formes qu’elle prenne, reste immuablement tragique.

“ Le conflit (Polémos) est père de toutes choses et roi de toutes choses, dans les uns il révèle des dieux, dans les autres des hommes, des uns il fait des esclaves, des autres des hommes libres. ” (Héraclite, Fragment 53.)

Jean Magnan - 1983

Texte paru dans le programme de la création de Algérie 54-62
Par Robert Gironès, Centre socio-culturel de Beaulieu, Poitiers, 1991