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Une Virée

+ d'infos sur le texte de Aziz Chouaki

: A propos de la pièce

A propos d’Une Virée


« Beaucoup de gens ont du mal avec mes textes parce qu’ils sont bourrés de gros mots mais moi je les revendique comme une langue. Celle du désir. Contre la purification ethnique, je revendique une langue impure, sexuée, bâtarde, mêlée comme le créole »
Aziz Chouaki



Pas de doute que la virée dont il est question est une errance à la fois spatiale et psychologique. Les trois héros sont, d’après les mots d’Aziz Chouaki, « déchiquetés entre les images formatées du monde occidental et le vide de leur cité». Errance dans les mots employés qui naviguent à vue entre le français, l’arabe et l’anglais, errance dans le discours, parsemé de clichés et de « débris de mythologie occidentale » où chacun se rêve en gangster, rockstar ou killer, faisant appel à l’imagerie de la fiction pour se sauver du néant. Derrière les allures de discussions de comptoir et de quotidien, c’est bien la situation de leur pays, leur propre rapport à l’espace, au temps et à leur civilisation que Rachid, Lakhdar et Mokhtar donnent à entendre.


Le style particulier d’Aziz Chouaki, fidèle à la langue bigarrée parlée en Algérie fonde l’originalité d’Une Virée. Il ne s’agit pourtant pas d’un pastiche ou d’une parodie : le parler acquiert ici son statut de langue à part entière, à contre-courant du processus d’arabisation qui relègue cette langue orale au niveau de dialecte vulgaire.


« Quand je suis en période d’écriture, les quatre langues de mon pays crient « Présent !» dans ma tête. (…) Me bricoler une écriture qui serait une espèce de zone franche des langues, tel est mon idéal. »


Ecriture protéiforme, à l’image de l’identité algérienne, «langue créole» propice à la métaphore, et surtout langue éminemment poétique, elle fluctue entre la violence des échanges, la dureté de la rue, et une parole de l’intime, où se télescopent les images et les idées, comme dans un rêve éveillé.


Aziz Chouaki n’est pas un auteur national : se considérant comme écrivain avant d’être Algérien, celui qui a « perdu la Nation comme on perd la foi » donne la parole « à ceux qui ne l’ont jamais, aux exclus de tout » en auteur surtout « concerné par la connerie des hommes en général ».


Une Virée est aussi un texte sur le rapport à la fiction comme résistance face au monde. A la manière d’un Don Quichotte, entre réel et imaginaire, les héros trouvent un moyen de donner un sens momentané à leur vie par le biais de personnages, d’extraits de films ou de chansons. Ces incursions dans la fiction sont autant de moments de plaisir volé au vide de leur existence.


La scénographie de Gilles Taschet met en lumière ces réflexions sur le quotidien et le vide. L’espace de jeu est un espace neutre, pas vraiment fini, un port ou un hangar qu’on aurait tous déjà traversé. Mais placé au centre de la scène, au milieu du plateau laissé délibérément vide, il incite le spectateur à questionner cette opposition de l’occupé et du déserté, du concret et de l’abstrait, de la réalité et de la fiction.

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