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Train de nuit pour Bolina

+ d'infos sur le texte de Nilo Cruz traduit par Séverine Magois
mise en scène Célie Pauthe

: Regard d'auteur sur un auteur

Le Cerf-volant et la cachette

Soigner ses plaies d’enfant battu ou réparer son cerf-volant ? C’est par ce dilemme que s’ouvre le dialogue de Clara et de Mateo, deux enfants vivant de nos jours dans un pays non identifié d’Amérique Latine. Elle veut qu’il lui montre ses croûtes, il souhaite avant tout réparer son cerf-volant. Federico Garcia Lorca – auteur qu’a traduit et qu’admire Nilo Cruz – apporta jadis sa réponse à un dilemme de ce type. Quelques années avant la guerre civile qui allait déchirer l’Espagne, Lorca déclara : « Moi, si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. »


A Mateo, il faut l’alcool qui désinfecte, mais aussi le cerf volant qui (s’)élève. Et chez Nilo Cruz comme chez Lorca, la faim est là. Prise en sandwich entre des soldats assassins et des guérilléros non moins redoutables, la communauté à laquelle appartiennent Mateo et Clara, privée de la moindre marge de manoeuvre, porte les coups contre elle-même, contre son propre avenir – à savoir contre ses enfants. Face à l’absence d’horizon, le cerf-volant constitue pour Mateo et Clara une ligne de fuite – par le haut… Après le cerf-volant surgit l’autre leitmotiv de la pièce : la cachette. Et les deux images se joignent en une troisième : celle du cerf-volant enterré…


Cette réalité rétrécie où les enfants n’ont par leur place, il faut s’en échapper, l’investir autrement, la transcender… On se réfugie dans des placards, dans des cimetières, dans des cartons chargés sur un train filant dans la nuit… Ces cachettes suscitent leur lot de rituels : on se déguise, on joue les morts, on met en scène un mariage ou une confession… Avec leurs jeux opposant l’imagination, le théâtre, et la ritualisation du désastre à la guerre et à une réalité invivable, les enfants de Nilo Cruz comptent quelques frères et soeurs cinématographiques : le petit Giosuè de La Vie est Belle, la jeune Ofelia du Labyrinthe de Pan, les deux fillettes de l’extraordinaire film de Victor Erice, L’Esprit de la Ruche. Et, plus proches du public français, Paulette et Michel, les petits héros des Jeux Interdits de René Clément.

Dorothée Zumstein auteur associée du CDN

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