: Note de mise en scène
Au centre de la parole, un choeur de conteur.
Ils sont quatre. Ils parlent, bougent, respirent d'une seule voix et d'un seul corps, récitants aux
faux-airs de choeur antique.
Ils sont le théâtre. Et ils en jouent.
Il se jouent des codes du théâtre, détournent les objets, créent la surprise, déplacent les
projecteurs si besoin.
Ils font le lien entre la scène et la salle, entre l’auteur et le spectateur.
Ils sont les serviteurs de l’histoire, et ont tout pouvoir sur la narration.
De ce choeur peu à peu naissent des différences, et bientôt des personnages, qu'ils endossent pour
les besoins du récit.
La parole circule, se prend, se donne, se vole, tombe du ciel parfois.
L'interprétation prend de plus en plus de place au fur et a mesure que l'histoire avance, les
conteurs se prennent à leurs propre jeu et sont embarqués dans l'histoire, comme si la vie sur le
plateau , la fiction, était toujours la plus forte.
Quatre conteurs, deux techniciens, une quinzaine de personnages.
C’est un travail absolument centré autour de l’acteur, de son jeu, de sa capacité à créer tout un monde avec « rien » ; son corps, sa voix, sa présence, mais aussi ses silences.
Décalages, distorsions, fantasmes et rêveries.
Dans l'écriture de Bobin, tout se construit en rajouts, décrochages, digressions, et changements
de points de vue. Nous avons beaucoup travaillé avec les acteurs sur cet aspect ludique de la
matière textuelle ; sur des systèmes réglés qui se déconstruisent.
Les conteurs instaurent des règles qu'ils ne respectent pas, posent des cadres pour en sortir sans
cesse, et tout semble instable, glissant, incertain, bien que répétitif et systématique.
Certains personnages de l’histoire appartiennent à d’autres mondes et nous avons cherché des
langages différents ; masques, marionettes, détournement d'objets, etc.
Toutes ces interventions décalées, plus ou moins réalistes, suivent les propositions d'univers que
fait Christian Bobin, et nous emmènent dans différents strates du réel, semant le doute et ouvrant
l'imaginaire.
Autour de la parole, une scénographie simple, le théâtre à nu.
La première partie nous amène dans des lieux variés, mais c’est surtout dans des fils de pensée
variés ; de ceux qui la regardent, d'un amoureux, d'un simple passant, jusqu’à nous plonger dans
le cerveau d’un bébé de quelques mois.
Face à la puissance évocatrice de la langue, nous avons pris le parti de l'imaginaire : montrer le
moins possible, ne surtout pas illustrer, mais plutot raconter, évoquer, invoquer parfois.
Dans toute cette première partie la plateau est quasiment nu, et il s'encombre au fur et à mesure
que la vie passe et que les personnages eux mêmes s'encombrent :
Occupations, obsessions, accumulations... Tout le monde est de plus en plus occupé, et la maison
est vivante : les objets eux-mêmes prennent vie, glissent, s’échappent, disparaissent, jusqu'à
l’acmé libérateur ; l’incendie, qui est à la fois mort et renaissance.
La lumière, partie prenante de la scénographie.
Elle découpe les espaces, cadre, entoure, fait apparaitre et disparaitre. Nous l’utiliserons toujours
avec parcimonie, en partant du noir, ou de la pénombre, et en alternant des moments ou l’oeil doit
fouiller, scruter cette pénombre et des moments de pleine lumière.
Bobin nous fait lui-même naviguer dans différentes strates du conscient et de l’inconscient,
semant le trouble entre ce que l’on croit voir, ce que l’on aimerait voir, ce que l’on croit mordicus
mais qui n’est vrai que pour nous même, et ce qui est réellement.
Un univers sonore à la fois gai et mystérieux.
Nous travaillons sur un mélange de musiques populaires, très gaies (orchestre de jazz, musette) et de nappes électroniques profondes, inquiétantes, ainsi que sur des glissements d’univers très réalistes (sons du quotidiens traités de façon quasi cinématographique) à des univers plus étranges, plus mystérieux, mais aussi plus organiques (sons de corps humains ; pulsations cardiaques, souffles, etc.)
Maïa Jarville
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