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The Scarlet letter

mise en scène Angélica Liddell

: Voici ce qu’est l’ART

par Angelica Liddell

Je n’ai pas réussi à éviter le sentiment de culpabilité, comme si je me conduisais mal, comme si je commettais le crime d’impudence, justifiant la sanction, le rejet et, bien sûr, la lettre écarlate. L’impudence est maintenant jugée avec la même sévérité que le crime. La violence esthétique inhérente à toute passion offense le rationalisme, ce nouvel empire des puritains qui gèle tout ce qu’ils touchent, ce nouveau sommet de la moralité. Cependant aucune culpabilité n’est originelle et aucune prison n’est construite pour la première fois.


En dépit de mon rejet du verdict prononcé par la communauté offensée, je suis incapable de ne pas ressentir de honte, je ne peux échapper à ce vieux sentiment, sombre et complexe, de péché. Le chagrin, les ténèbres. Un sentiment de dépravation, de quelque chose d’incurable.


Être certaine de toujours faire quelque chose de mal. Je ne peux échapper au chagrin profond. Aucune sorcière, aucun croyant ne sera jamais heureux. C’est à cet endroit que la peine infligée par votre blessure intime et la peine infligée par l’offensé se rejoignent. Elles se nourrissent mutuellement. La peine est le résultat de l’offense et l’offense résulte de la peine. Nous ne sommes pas libres même si les flammes de l’Inquisition refusent notre corps, nous gardons dans notre for intérieur d’effrayants démons qui nous dévorent, plus affamés que le feu même, nous emportant vers le fatalisme et la terreur.


Il est difficile de croire que la lettre A, au 21 ème siècle, reste un stigmate pour offense à la moralité sexuelle. Mon travail s’est affronté à l’état puritain, ou peut-être est-il né de ce même confit.


La vérité est censurée, occultée, rejetée par d’invisibles tribunaux qui décident d’ostraciser tout ce qui est jugé nauséeux. Avant c’était la religion, maintenant c’est l’empire de la raison. Dans les deux cas, la loi est soumise à l’État ; il n’y a qu’à voir les terribles effets de la volonté générale pensée par Jean-Jacques Rousseau sur l’art. Hawthorne lui-même le prédit dans son ouvrage, en comparant avec ironie le pilori où Hester Prynne est exhibée, « un facteur très important pour l’éducation de bons citoyens  », avec la « guillotine de la Terreur française ».


Les actions de rébellion sont brutales car elles se défendent contre la brutalité de la loi, de la censure ; de la répression, du puritanisme, autrement dit de la civilisation, mais en même temps elles n’existeraient pas sans elle ; voilà La Lettre écarlate, voilà Hawthorne, la civilisation prépare le terrain afin que la rebelle s’autodétruise, voici ce qu’est l’ART.


  • Source : dossier de presse du Centre dramatique d'Orléans

Angélica Liddell

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