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: Note de contexte

par Mohamed El Khatib

D’un public à l’autre : le passage du joyeux public traditionnel des stades, connaisseur et gouailleur, à la figure bariolée et nettement plus manipulable du supporter.
Il existe une attitude condescendante et largement partagée qui consiste à, au mieux, folkloriser les amateurs de football, au pire, en faire des porteurs de haines identitaires, de nationalismes xénophobes, à la manière des foules romaines que l’on convie à applaudir les nouveaux mercenaires des stades. La boferie apparente ne serait que le corollaire de salaires de misère, chômage, exclusion, précarité et aliénation culturelle.
Le football-spectacle ne serait finalement que le stade ultime de la fétichisation marchande et relèverait d’une politique d’encadrement pulsionnel des foules, un moyen de contrôle social qui permet la résorption de l’individu dans la masse anonyme, dans le conformisme des automates.
L’engouement suscité par le football est à la croisée de problématiques essentielles :
- Nature du public et marchandisation d’un sport populaire
- Figure de l’aliénation et pratique intrinsèquement fasciste ?
Si nous n’éluderons pas cet aspect du supporterisme, nous travaillerons à faire émerger ce qui constitue le corps essentiel de cette énergie collective qui ne se résume pas à des comportements grégaires.
L’attitude du supporter qui met en scène des jeux/codes identitaires complexes et variés ne doit pas toujours être prise au premier degré ; elle relève assez souvent de cette logique du dé maîtrisé où entre une part d’humour véritable et qui constitue une forme de théâtralité populaire.


Le monde de l’art et du football : une histoire d’amateurs éclairés.


Un supporter est un a cionado, qui par dé nition est non seulement un passionné mais aussi un connaisseur – dont la qualité du savoir et les critères d’appropriation sont beaucoup moins arbitraires que ceux qui ont cours, par exemple, dans le public artistique. Ainsi il peut arriver qu’un habile communicant passe pour un peintre de talent aux yeux de la critique et des acheteurs. Mais jamais un footballeur n’a été en mesure de duper le public averti sur ses qualités d’ailier de débordement ou sur la réalité de son intuition tactique.
De même que les guides dans un musée, les commentateurs sportifs par leur capacité à situer l’événement observé (un match ou un tableau) en rapport avec une histoire globale et un contexte socio-géopolitique, peuvent introduire une dimension critique qui dépasse le cadre du « stade ».
Il convient de s’interroger sur l’anthropologie des stades, dans leur dimension historique, identitaire, relationnelle et de réfléchir en termes d’appropriation, d’interactions et de lien social. Les stades ne sont pas des espaces hors-sols. Aussi, ils n’échappent pas aux mouvements qui traversent la société dans son ensemble, comme par exemple, les politiques de gentrification des centres villes. C’est pourquoi on observe peu à peu une baisse de la présence de la classe ouvrière à la faveur d’une politique d’embourgeoisement des tribunes populaires.
Ainsi, l’idée que ceux qui assistent à un match de football seraient un ramassis d’idiots violents est souvent un fantasme d’intellectuel bien né.
Et pour cause, très vite on se rend compte que le football permet aussi de représenter, d’incarner une histoire, des valeurs, un imaginaire et participe donc de la définition des identités (locales et nationales).
Cet encastrement se traduit par des éléments concrets : formation de joueurs issus de la région, implication des entrepreneurs et hommes politiques locaux, mobilisation des supporters qui voient dans le club un vecteur d’expression d’une appartenance locale et sociale, etc. C’est l’une des clefs de compréhension importante de la popularité du football.
En cela, le rapport au territoire n’est pas nécessairement réactionnaire. Pour être un club « moderne », populaire, internationalement connu et économiquement puissant, on ne peut pas simplement se penser comme une entreprise de spectacle, prestataire de services. Il faut donner du sens. Or en football, historiquement, celui-ci est lié à l’inscription territoriale des équipes.

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