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: Note de l'auteur, fils d'ouvrier

11 Octobre 2010, publication de mon premier texte de théâtre À l’abri de rien. En découvrant la dédicace, à Yamna, mon père me dit : « de toute façon dans cette maison y’en a que pour ta mère ». Il n’a jamais lu le texte, et pour cause il ne sait pas lire. Je m’étais promis de lui faire un spectacle hommage en 2012. Mais entre temps, j’ai perdu ma mère pour qui j’ai écrit Finir en beauté. Cette fois il n’a rien trouvé à redire à la dédicace.


Il était ouvrier. Il s’appelle Ahmed, pour lui, j’avais prévu d’intituler ma prochaine pièce La vie d’Ahmed le magni que en racontant sa trajectoire d’ouvrier illettré ayant traversé le détroit de Gibraltar à la nage dans les années 70. Mais d’une part, Alain Badiou m’a volé le titre pour une série théâtrale, d’autre part, cela aurait participé à faire fructi er ma propre mythologie de ls d’ouvrier. Or, la réalité est que mon père n’est pas qu’un noble ouvrier, il est avant tout un supporter de football. Et cette idée insupportable pour moi, il me faut en n l’assumer. L’héritage est là, j’ai toujours eu non seulement un peu honte de mon père mais également de ma passion cachée pour le football. Il est temps de se réconcilier.


Je me rends compte que ce souci d’écrire les classes populaires n’émerge qu’une fois qu’on en est sorti. Et la manière dont on restitue un monde est d’autant plus délicate qu’on ne le fait pas tout à fait avec les mots de ce monde-même. Les textes feront donc l’objet d’un travail de construction pour être au plus près de la vérité. Par ailleurs, ne souhaitant pas alimenter la mythologie ouvriériste, c’est sans complaisance qu’on a jugé plus utile de leur demander de « supporter » plutôt que de nous raconter combien c’est dur d’être chômeur ou au mieux ouvrier. On va poser notre regard sur ces corps, plus d’une centaine, et on rendra compte ici de ces rencontres dans les stades mais également dans des sphères plus intimes.


Ainsi ces portraits sensibles constituent autant de membres d’une grande famille, que je regarde toujours avec bienveillance et tendresse, et qui peuvent tout autant m’effrayer quand j’observe la misère sociale, intellectuelle et politique qui en surgit parfois.


Le meilleur public de France


On dit traditionnellement des supporters du RC LENS, qu’ils sont le meilleur public de France. Ce titre honorifique historiquement vérifié pour des raisons évidentes de fair-play, d’ambiance et d’amour inconditionnel, nous a incités à organiser une rencontre inédite : confronter le public du théâtre au meilleur public de France.


Pourtant « le public » n’existe pas. Pas plus celui du théâtre que celui du football. L’agrégation d’individus devant une proposition spectaculaire est un concours de circonstances qui répond à des logiques socio-politiques hétérogènes. Qu’y a-t-il de commun entre les foules qui se massent pour écouter le pape au Vatican, le 20h de TF1, un concert des Rolling Stones et un match de football ? Quelle ferveur anime ces corps qui le temps d’une cérémonie parfaitement ritualisée posent leur regard dans la même direction ? Qu’est-ce qui fascine tous ces gens ? De quoi cela est-il une métaphore ?

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