: Note d'intention
Les textes de Danielle Collobert m'accompagnent depuis plusieurs années. C'est une écriture très cinématographique, qui nous donne à voir, qui nous fait circuler, dans des villes, des ports. Où l'on suis des gens qui se suivent, se cherchent, se regardent, se rencontrent. Où l'on rentre dans le détail, comme avec un zoom ou une focale, d'une silhouette se détachant dans le cadre d'une fenêtre ou d'une porte…D'un regard, de la pliure d'un poignet, la courbure d'une nuque… Scènes remplies de toutes leur charge de réalité, leur poids, leur incandescence, de l'ordre de l'intensité d'un mouvement, du cadrage d'un morceau de corps, d'une certaine vitesse d'exécution, d'une intensité d'apparition.
C'est une écriture comme au travers de la chair,
des sensations extra-sensibles.
Celle d'un corps qui doit dire, qui se doit de dire,
sa difficulté, l'absolue nécessité du corps à parler
et à rendre compte des mots au monde.
Ici c'est le corps qui parle qui se parle et nous
parle.
Comme une chorégraphie, des séries de duos, de
pas de deux, de chassés-croisés. Où le "deux"
s'ouvre dans des séries de dialogues : elle et lui,
moi et toi, dans des identités ouvertes. Du féminin
au masculin, d'un soi à un autre soi-même.
Même l'évidence d'avoir un corps est l'objet
d'une crise qui crée une zone de tremblement en
nous. On est renvoyé à une indétermination. On
est mis en bégaiement.
Cette écriture nous déjoue, nous déplace, enlève
nos sols, nos évidences de tous les jours. Là où
tous les jours on ne cesse de différer elle nous
oblige à scruter les choses par les mots.
Ces mots par lesquels on est traversé dans ces
textes, nous mettent en intensité, en joie.
Comme si on devenait des peaux de tambour, ou
des membranes. On devient vibratoire.
Cela parle aussi de la marche. Marcher pour rencontrer. Marcher pour, dans la rencontre du monde, se métamorphoser. En ne pensant pas la rencontre comme un mode socialisé, lissé, calme, mais comme la condition même, y compris violente, d'une possibilité de transformation, du réel, de soi.
C'est une forme fuguée. On sera cinq, une petite
communauté.
Pouvoir parler de ce qui nous traverse, à travers
cette écriture, comme histoires, comme évènements,
y compris les violences, enfermements,
étouffements, mais aussi désirs, joies… non pour
en faire le simple constat, ou le constat cynique
ou ironique, mais pour essayer de dire, de dire au
plus exact, dans tous les tours et les détours de
la pensée dans laquelle cela nous entraîne,
toutes les sensations que cela ouvre, pour
connaître, pour reconnaître, et ce faisant s'en
sortir, sans sortir.
Nadia Vonderheyden
mai 2015
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