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Rouge noir et ignorant

+ d'infos sur le texte de Edward Bond traduit par Michel Vittoz
mise en scène Eric Salama

: Mise en scène

Trois acteurs et un banc


Bien que Rouge noir et ignorant comporte de nombreux personnages, la pièce sera jouée par seulement trois comédiens. C’est le nombre d’acteurs minimum suggéré par Bond. Le décor quant à lui sera réduit au seul banc évoqué par l’auteur. Cette solution minimaliste, qui me semble la meilleure réponse scénique au dépouillement formel de la pièce et de l’écriture, m’intéresse d’autant plus du fait qu’elle suppose un maximum de créativité dans sa réalisation.


Comment raconter cette histoire de façon claire, comment faire exister successivement et harmonieusement les différents lieux, les différents personnages de la pièce à l’aide de seulement trois comédiens et d’un banc ? Pari intéressant qui met en évidence toutes les questions liées à la narration, à la théâtralité et à son essence même, et qui force le metteur en scène à se concentrer sur l’essentiel tout en se jouant sans cesse des codes du théâtre et de la représentation.


Refus du naturalisme et de l’illusion


Ce dépouillement marque aussi un un refus du naturalisme, de l’illusion, au profit du récit collectif. On essaiera pas de faire croire à l’existence des différents lieux et des différents personnage, et on affirmera au contraire leur statut éphémère de « personnage de théâtre ». Les seuls personnages réels seront bien ces comédiens qui se tiennent devant nous, et c’est bien leur conscience qu’ils dévoileront dans l’interprétation des différentes scènes de la pièce, c’est bien leurs consciences qui s’adresseront à la conscience du spectateur, et non celle d’hypothétiques personnages.


Interprétation


Maintenant nous allons montrer des scènes de la vie que je n’ai pas vécue.
Cette réplique du Monstre, personnage mort avant même d’être né, est une bonne induction sur la façon d’aborder l’interprétation : pratiquer ce que Brecht appelle le non-pas-mais : toujours laisser entrevoir ce que le personnage pourrait faire en plus ou à la place de ce qu’il fait. Ici, les scènes qui sont jouées ne peuvent être que des hypothèses, puisque la vie du personnage qu’elles concernent n’est elle-même qu’une hypothèse. Il n’y a donc pas de « réalité » de ces scènes et de leur déroulement. Par définition, tout y est possible. Les acteurs doivent laisser entrevoir cela ; c’est très important. Comme il doivent montrer que chaque acte d’un personnage découle d’un choix entre plusieurs actes possibles. C’est presque une attitude philosophique que doivent adopter les acteurs pour jouer la pièce : Bond nous confie que c’est pour inciter les hommes à arracher le monde des mains de dieu pour le prendre eux-mêmes en main qu’il écrit. Les comédiens doivent faire de même.


Le jeu


On prête souvent à la pièce didactique une réputation d’herméticité et de «sérieux » tout à fait injustifiée. Au contraire : par son dénuement, par le fait qu’elle se détache de tout ce qui n’est pas essentiel a son propos, mais aussi par là même, de tout ce qui pourrait alourdir et encombrer le jeu, la pièce didactique permet justement un jeu particulièrement ludique et léger. De plus, elle suppose de la part de l’acteur un contact direct avec le public. Il est essentiel (et ici plus encore qu’ailleurs), que les acteurs jouent de façon particulièrement ludique, afin que les spectateurs s’amusent tout en réfléchissant et en se questionnant.


Les acteurs doivent se rappeler que jouer est la première façon d’apprendre, ils doivent jouer comme des enfants, qui jouent, et qui apprennent par leurs jeux.

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