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Roman(s) National


: Résumé

France. Dans un futur proche. Une jeune femme avance dans la lumière. Elle s’appelle Moïra. Elle devait réaliser les chroniques présidentielles. Elle nous raconte.


Il y a quelques semaines, le Président de la République est subitement décédé et a laissé orphelin le parti Horizon. Des élections s’organisent dans la précipitation. Paul Chazelle, ancien champion d’escrime et actuel maire de Châteauroux décide de reprendre le flambeau de celui qu’il considère comme son père spirituel. À lui de perpétuer l’héritage du Président disparu et de poursuivre son combat politique. Pour mener cette campagne, Paul a réuni autour de lui une équipe talentueuse de jeunes gens ambitieux et experts. Installés confortablement dans les murs de l’ancien Musée de l’Homme, place du Trocadéro, ils sont prêts à tout pour que leur candidat remporte la bataille. Si chacun mûrit également des desseins personnels, leur foi absolue dans le projet politique de Paul les unit. On y croit. Et c’est parce qu’on y croit le plus que l’on va gagner. De cela, aucun doute.


L’action commence au mois d’octobre, après les résultats du premier tour. À la surprise générale, le parti Horizon, libéral et conservateur, se retrouve opposé à l’Union des gauches emmenée par Olivia Janot. En troisième position, Anne Lefranc, nationaliste à l’extrême-droite de l’échiquier politique ne cache pas son amertume : elle aurait dû courir la dernière ligne droite. Mais, pour se consoler, elle pense à ses nombreux électeurs dont les voix deviennent un enjeu majeur pour les deux finalistes. Depuis la Grande Catastrophe, elle sait bien que l’autre est plus souvent regardé comme un ennemi plutôt qu’un allié, que les tensions économiques et sociales sont particulièrement aiguës et que, dans ce contexte, les candidats devront adopter des positions radicales.


L’équipe de campagne aussi l’a bien compris. Et ça ne manque pas.


À dix jours du deuxième tour, la leader des gauches annonce que si elle est élue, elle engagera le pays à sortir de l’Union Européenne et mettra en oeuvre les fondements d’une nouvelle République.


À présent, il faut donc riposter. Pour Paul, la stratégie est simple. Parler d’unité de la nation. Défendre coûte que coûte les institutions telles qu’elles existent. Et soutenir avec force leur vertu et leur efficacité. Infléchir, dans les discours, le récit que, jour après jour, sa garde rapprochée s’efforce de construire. La légende républicaine peut bien souffrir quelques ajustements, surtout si c’est au nom de la grandeur de la France, non ?


Alors, Fred, la plume, peaufine le storytelling, perfectionne le récit qui donnera à Paul une crédibilité incontestable. Sa personnalité doit apparaître comme la seule à même de s’inscrire dans la généalogie prestigieuses qui le précède, la seule à pouvoir incarner ce grand chef omniscient, qui voit, qui sent, qui sait. Cet homme providentiel que nous attendons tous.


Moïra se souvient. Ça a commencé quelques jours après l’installation du QG. Paul a d’abord eu des moments d’absence...puis des vertiges. “Sans gravité” avait-il répondu à Ava, sa directrice de campagne. Or, sept jours avant le scrutin, le voilà qui tombe, évanoui, sous les yeux de sa collaboratrice. À son réveil, des visages familiers se penchent au-dessus de lui. Il y a Balthazar, son cousin et conseiller économie, Solal, son ami d’enfance, et surtout, Madeleine, son indéfectible épouse.


Resté seul avec elle, il se confie sur ses récentes marques de faiblesses. Il lui confesse l’inavouable. Oui, il voit et il entend. “– Quoi ? – Les voix. – De qui ? – De ceux qui étaient là avant. En dessous. Et je ne sais pas ce qu’ils veulent.” Alors s’ouvre une brèche dans le vaste open space installé dans le salon art déco. Et ces voix et ces visages ne cesse plus de hanter Paul.


Quand, le lendemain, Fred découvre dans une alcôve un crâne rangé avec précaution dans une boîte, il est déjà trop tard. Les voix et les fantômes se sont réveillés et ne partiront qu’après avoir obtenu leur dû.


Sourds à leurs prières, l’équipe poursuit inexorablement la campagne tandis que Paul, s’isole de plus en plus. Ava prend les rênes des réunions, elle qui sans doute se rêvait un autre destin. Quelques jours à peine avant l’issue du scrutin, voilà Horizon accepter une alliance officielle avec Anne Lefranc et son parti d’extrême-droite. Peu importe, le roman se corrige, il faut simplement combattre et vaincre ses scrupules. Après tout, les promesses de campagne sont les promesses de campagne. Et tout le monde d’approuver, de faire bloc et de croire en ce nouveau récit.


Mais, suite au débat du second tour, quand on découvre qu’un traître s’est glissé parmi les plus proches et a transmis au camp adverse des informations compromettantes au sujet de la santé psychique de Paul, nombreux sont les suspects. On se regarde en chien de faïence...qui a manqué à sa foi ? Qui s’est fait parjure ? Qui a osé trahir ? Le candidat d’Horizon quitte la pièce. Il ne reviendra pas.


Moïra se souvient. C’était quelques heures avant les résultats. Le corps de Balthazar étendu sur le sol. “Accident domestique” aurait-on pu dire. Mais non. Il avait fallu mentir et cacher le cadavre. Il n’aura pas de sépulture : nouveau crâne à ajouter à la collection de l’ancien Musée, à côté de ceux qu’on appelait, il fut un temps, les “indigènes”.


Ce jour là, la France apprend le nom de son prochain président. Il s’appelle Paul Chazelle.


Et il est introuvable.

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