: La tragédie, une forme artistique pour ceux qui aiment la vie.
La tragédie déteste la politique. La tragédie déteste
les bonnes intentions. Elle déteste tout ce qui
démontre la solution. Elle déteste donc l'industrie
du plaisir, l'industrie des loisirs, l'industrie de
l'harmonie et l'industrie de la réconciliation. La
tragédie est le spectacle de la douleur rendue
exquise par l'art. Par conséquent, tout homme
politique, sociologue, réformateur social, tous ceux
qui aspirent au plaisir et au bruit la détestent. Le
son de la tragédie est le silence brisé par la voix
humaine. La voix humaine n'est pas un bruit. La
vision de la tragédie est le corps humain empalé
sur un axe de douleur. La danse n'est pas de la
tragédie. La tragédie doit être la parole. Le bruit et
la danse sont les rythmes alarmants des
démocraties qui s'effondrent de par leur simple
ambition absurde.
Le carnaval permanent.
La tragédie restitue l'individu à lui-même.
La tragédie commande le silence. Nous sommes
proches d'une perte de silence. La tragédie
remplace le bruit par la respiration. Elle ôte le voile
de la mort et proclame donc la première de toutes
les libertés qui est la connaissance de la mort. Elle
remplace les plaisirs du sexe par le supplice du
désir. Par conséquent, elle expose la futilité de la
gratification., la pornographe, l'escroquerie de l'enculage démocratique. La tragédie humilie le jeu
télévisé, la comédie, le concours de beauté, l'émission éducative, les chaînes d'information, le
rassemblement politique, les partisans, les terroristes, tous ceux dont la seule ambition absurde est
de donner La solution à la vie.
La tragédie est donc une forme d'art pour ceux qui aiment la vie. Peut-être n'y en
a-t-il que peu qui aiment la vie ? Il ne faut pas taire cette possibilité. La tragédie nous oblige à
contempler l'abîme de notre solitude. Beaucoup d'entre nous ne la supportent pas. Selon eux, le
plaisir est un refuge. La tragédie ne connaît aucun plaisir mais connaît beaucoup d'extase. Que
cette extase provient de la douleur, la tragédie seule le sait. La tragédie nous fait pleurer, et ces
pleurs ne sont pas un pacte sentimental entre public et metteur en scène, ce sont des pleurs non
sollicités qui coulent du spectacle de la vie non résolue. La tragédie seule connaît le secret de
l'existence. Ce secret est que la vie ne suffit pas. Nous ne pouvons tolérer longtemps le secret. C'est
un secret que l'on découvre seulement dans un endroit dont le but existentiel est le secret, qui est
l'apothéose du secret, où tous ceux qui bougent et qui jouent sont consumés par le secret.
Cet endroit c'est Le théâtre.
Howard Barker
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