: Note d'intention
Lorsqu’il aborde les pièces de Feydeau, le lecteur – spectateur,
acteur ou metteur en scène – est saisi par la minutie pointilleuse des
indications scéniques. Elles concernent aussi bien l’implantation du décor
que le nombre de portes, la nature des meubles, des accessoires, leur
place précise sur la scène, le trajet des personnages, leurs costumes,
l’action dans laquelle ils sont engagés, jusqu’à leur gestuelle et leurs
humeurs : Feydeau est un metteur en scène d’une précision redoutable,
aussi bien sur le plan artistique que technique, il ne laisse rien au hasard,
ne confie pas à l’improvisation le soin de concrétiser l’univers théâtral qu’il
met en oeuvre. J’ai pu vérifier au cours de représentations
scrupuleusement assujetties à ses indications (notamment à la Comédie
française), l’efficacité de son travail, son sens du rythme, de l’espace, des
ruptures…
Comme tout metteur en scène, il met au monde du théâtre son
monde personnel, sans être naturaliste ou psychologique, il reste
réaliste : salons, boudoirs, portes, fenêtres et tentures sont l’univers dans
lequel il fait se mouvoir les pantins qu’il jette sur la scène.
Ce faisant, il crée une oeuvre théâtrale, mais il l’enferme aussi et la
condamne à raconter que ce qu’il croit qu’elle peut raconter.
Et pourtant… Comme souvent avec l’éloignement du temps, le
metteur en scène, par nature créateur d’un monde éphémère, disparaît
derrière le dramaturge qui, plus les années passent, tend à l’universalité.
C’est la troisième fois que je reviens à lui à travers ces courtes pièces en un acte, chaque mise en scène tout en respectant la nature profonde de l’oeuvre, a porté un regard différent sur elle et nous a amené à percevoir sa richesse ludique, sa vraie drôlerie et sa profonde noirceur. J’ai joué Feydeau en plein air sur un immense plateau de 15m d’ouverture (Festival d’Avignon en 1984) ; je l’ai joué entouré d’objets, de caisse et de malles (On déménage au Théâtre de l’Aquarium en 1984, mise en scène Jacques Nichet et Didier Bezace) ; je l’ai mis en scène sur un petit manège domestique, privilégiant presque de manière existentielle le trajet dérisoire d’un seul couple – le même acteur et la même actrice, Anouk Grinberg et Thierry Gibault, jouant le couple de chaque pièce – pour tenter de retrouver la démarche éditoriale que l’auteur souhaitait avoir, sans cependant pouvoir la réaliser : Du mariage au divorce.
Je vais à nouveau le mettre en scène sur un unique tréteau pour le plein air et l’obscurité profonde de cages de scène dépouillées, ce sera, je l’espère du moins, un conte drôle et cruel, une farce magique, Léonie, Toudoux, Yvonne, Lucien, Bastien et Julie ont quitté l’Eden depuis longtemps et oublié leurs vénérables ancêtres, ils sont au purgatoire, et du purgatoire à l’enfer, il n’y a qu’un pas… quand le diable s’en mêle.
Didier Bezace
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