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Pacamambo

+ d'infos sur le texte de Wajdi Mouawad
mise en scène Nicolas Fleury

: Notes de mise en scène

Je cherchais un texte fort, écrit par un auteur d’aujourd’hui, afin de créer un spectacle pour les enfants qui mette en scène des interrogations et des préoccupations qui les concernent. Une pièce sans mièvrerie et infantilisme qui s’adresse aussi aux adultes.
En dix scènes courtes (Rage, La Lune, Plan d’attaque, Noir et blanc, Le troisième tiroir, La cave, Première semaine, Mort, Lumière), d’une écriture claire et directe, Wajdi Mouawad aborde frontalement le thème de la mort. Il invente une petite héroïne confrontée à la perte d’un être aimé qui va traverser les différentes étapes du deuil, de la révolte à l’acceptation, et qui va vivre autant d’aventures que si elle avait parcouru le monde. En voulant conserver sa grand-mère, c’est elle qui va avoir finalement envie de rester en vie et de grandir. Avant de mourir, Marie-Marie a donné les clés de Pacamambo à Julie, lieu de ce qui reste après la mort, lieu de liberté et de tolérance. Dès lors, l’auteur aborde le thème du racisme et la pièce, sous son titre aux sonorités de tambours, touche à l’universel.
Aujourd’hui, de nombreux spectacles pour les enfants utilisent un mode parodique, sont réécrits à partir d’une fable très connue dans le but de mettre en question des problématiques « actuelles ». Wajdi Mouawad, avec Pacamambo, invente un conte moderne en considérant que les enfants sont des êtres intelligents, capables de discernement, et particulièrement réceptifs aux histoires qui montrent des personnages affrontant des situations tragiques et qui en sont sauvés, de la même façon que les contes traditionnels évoquaient des enjeux de société et diverses formes d’initiation à la vie adulte.
Le spectacle, par le choix des comédiens et de la forme se devra d’être optimiste et vivant. Le texte est rythmé, souvent très drôle, et joue avec équilibre sur plusieurs registres entre le réalisme et le fantastique poétique.
La représentation reposera sur la mise en scène d’un monde à la fois proche, sans quoi rien de ce que nous voyons sur le plateau ne nous intéresserait, et décalé du monde réel afin d’établir la distance nécessaire sans laquelle nous ne pourrions nous abandonner aux délices de la fiction.
Quand j’ai mis en scène Pinocchio d’après Collodi, le rôle-titre était tenu par un acteur adulte. Cette transposition me paraissait paradoxalement nécessaire pour que l’on puisse croire sans réserve à cette histoire de pantin de bois qui veut devenir un petit garçon. Pour Pacamambo, afin que les enfants puissent se reconnaître dans le personnage de la petite fille tout en restant libres dans leur imaginaire propre, le rôle de Julie sera pris en charge par une marionnette (manipulée par une marionnettiste) et une comédienne dont on entendra la voix. Julie est une petite fille en colère, avec un caractère à la hauteur de son amour. Consciente de la force de mots, elle se questionne sur la mort avec intensité, sans complaisance et sans pathos même dans les moments les plus lyriques.
La décomposition du personnage de Julie en présences multiples permet de brouiller les repères entre le vrai et le faux et de transgresser la logique de l’espace. Comme dans un rêve, la modification des proportions, le décalage des dimensions, laissent une grande liberté au spectateur, une large place à son invention.
Julie ne se contente pas des choses telles qu‘elles sont et se bat contre la réalité. La marionnette est un moyen d’expression qui combine innocence et insolence, tout lui semble permis dans un monde où n’existe aucun code du bon usage des libertés. Par son usage, il s’agit de rendre visible et de faire entendre la tension entre la colère, l’énergie, l’héroïsme de Julie et la conscience de sa fragilité, de sa propre mortalité. La marionnette, qui voyage du théâtre pour enfants au théâtre pour les grands avec légèreté, de l’immobilité au mouvement, parle du rapport entre la vie et la mort. L’utilisation d’un genre qui « prend sa source dans les jeux secrets de l’enfance » (Antoine Vitez) et la multiplication des niveaux de jeu pour aborder un sujet grave, mettent en évidence l’universalité du récit, son humanité profonde, avec humour et poésie. Le matériau dont est faite la marionnette est le texte. On n’a pas affaire à un spectacle de marionnettes, mais à une mise en scène qui utilise une marionnette. Marie-Marie est la grand-mère chérie de Julie mais représente tous les êtres aimés, mère, père, frères, soeurs, amis. Elle est au centre du plateau, loin du cliché de la petite mamie à chignon blanc. Belle au bois dormant ou Nefertiti dans son sarcophage, c’est une icône impressionnante qui a aussi le don d’aller tranquillement boire un coup et discuter avec Le Gros alors qu’elle est morte.
Le Gros, le chien qui parle et qui fait des jeux de mots est un personnage très drôle. Force de vie protectrice et rassurante pour Julie, il semble parfois tourmenté, partagé entre sa condition animale et la compréhension qu’il a du langage des morts et des vivants.
Le Psychiatre aide Julie à mettre en mots son expérience. C’est par lui que le spectacle peut démarrer. Sage, séduisant, il oublie rapidement sa neutralité obligée, dépassé par les événements et par les silences de Julie et devient un personnage burlesque au bord de la crise de nerfs.
Echappée d’un film de Woody Allen (voir Scoop ou Guerre et amour), La Mort, qui à la fin de la pièce rend visite à Julie, considère que son rôle n’est pas facile. Elle essaiera d’être très impressionnante mais comme l’écrit l’auteur dans une didascalie, « elle n’est pas méchante ».

Nicolas Fleury

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