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Oh les beaux jours

+ d'infos sur le texte de Samuel Beckett
mise en scène Blandine Savetier

: Ma lecture d'Oh les beaux jours

par Blandine Savetier

Oh les beaux jours est une œuvre lumineuse. Il y a dans cette pièce, dans la parole qu’y déploie Winnie, une manière d’être à la vie qui combine la plus exigeante lucidité et la plus exquise élégance devant la vieillesse et la décrépitude. Ce subtil accord est à l’origine de l’attirance que j’ai pour cette pièce.
Winnie est à notre image, sa vie à la nôtre, elle le sait, nous ne le savons pas ou feignons de ne pas le savoir. Comme dit Gogol dans Les Âmes mortes, si nous était montré l’être que nous allons devenir dans notre vieillesse, à quarante ans d’intervalle, nous serions terrifiés. Winnie sait sa déchéance et sa fin inéluctable. Toujours elle revient au présent et rend hommage à la « grande bonté ». Bonté de qui, de quoi? Peu importe, Winnie a l’art de faire face à la décrépitude, au vide. Elle se laisse traverser par le bonheur fugace devant les petites choses. Plus le déclin s’installe, plus la vie est vide, plus ses possibilités s’épuisent, plus ce qui reste, si petit soit-il, est digne d’émerveillement.
Il y a bien sûr le doute qui ronge, la mélancolie du souvenir évanescent, qui étranglent la parole, le pistolet posé à côté comme pour rappeler la possibilité du suicide, mais toujours revient la parole d’émerveillement, voire de gratitude.
Vivre, à l’endroit où écrit Beckett, à cet endroit de parole où tout est dominé par le constat de la chute inexorable, on ne saurait en dire le pourquoi. Mais la proposition que fait Winnie sur le comment, comment vivre à ce niveau de conscience, est simplement belle.
La pulsion de vie de Winnie vient de la puissance de son imagination. Il y a de l’enfance dans cette poésie qui s’abstrait de la réalité et des forces naturelles, recrée un univers onirique, fait revivre les êtres du passé.
J’aime la simplicité élaborée de la langue de Beckett, son humour, son écriture trouée, écartelée entre l’obscurité de son désespoir et le soleil de son amour de l’humanité.
La flamme du désir est maintenue à l’intérieur de l’épuisement, la force de l’espoir fait face au désenchantement du monde et c’est cette tension qu’il m’intéresse de mettre en jeu.
Winnie joue avec le langage, sa construction et déconstruction immédiate, ses ruptures et variations, c’est la vie et le désir qu’elle nous donne à entendre dans ces va-et-vient. Et toujours elle savoure les mots, ils sont pour elle des partenaires, des petits cailloux avec lesquels elle avance pour voir plus loin.

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