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Moitié-moitié

+ d'infos sur le texte de Daniel Keene traduit par Séverine Magois
mise en scène Kristian Fréderic

: Caïn / Abel

En présence de ces deux frères ennemis, ce qui interpelle du point de vue thématique, ce n'est pas seulement la raison de cette haine – inscrite dans la psychologie familiale et progressivement révélée par la pièce – c’est que l'action de moitié-moitié fait référence à l'un des mythes fondateurs : l'épisode de Caïn et Abel. L’histoire biblique tend à expliquer que la source de la violence – le premier meurtre de l’humanité – est une affaire de jalousie – ou d’injustice – suivant le point de vue adopté.


Ainsi, Ned, le jeune frère de moitié-moitié apparaît comme le préféré de la mère, comme Abel est le préféré de Dieu, et Caïn, le cultivateur biblique et le moins aimé, est bien ce Luke qui affirme : « Ce qui me fait tenir, c’est la patiente régénération de la nature au milieu de tout (…) La nature est la seule promesse tenue ».
La différence fondamentale entre ce mythe et notre histoire est que si Ned-Abel est psychologiquement tué par le départ de son frère, Luke-Caïn va réparer le mal fait par sa jalousie et son départ en recréant les éléments qui leur permettront à tous deux de rejouer la séquence depuis son origine. L'incommensurable solitude des deux frères et l'impression qu’ils sont arrivés en bout de course laissent présager la réconciliation. Un peu de lumière dans la terrible histoire de l’humanité : tout n’est pas perdu, il n'est pas de haine irrémédiable dans la mesure où tout peut être recommencé.


L’écriture agile et économe de Keene révèle la célérité de la pensée et ouvre différents niveaux de lecture possibles. Le dialogue progresse vite, très vite et jamais dans le sens attendu, d'où la musique sous la langue et le sens à travers les rythmes. Les monologues créent au contraire des bulles d'intériorité poignantes mais jamais démonstratives.


Par la recréation d'un jardin intérieur, nous assistons à la maturation et à l’installation progressive d'un rituel initiatique. Rite de passage pour le jeune frère, fin du deuil de la mère pour l'un comme pour l'autre, régénérescence de leur humanité... Nous replongeons aux origines du monde. Gaïa, la déesse Terre, mère des hommes, reprend ses droits, et l'être humain, plante déracinée du terroir sacré, redeviendra lui-même, fils de la terre. C'est à cette résurgence du territoire sacré, sous sa forme la plus instinctive pulsionnelle et végétale, que moitié-moitié nous convie. C'est vraisemblablement aussi l'incursion la plus étonnante de l'auteur australien vers les fondements aborigènes. L'importance de la question soulevée, la violence du déchirement humain, la singularité de la langue, l'aspect ritualisé de l'action dramatique furent quelques éléments essentiels pour le travail scénique.

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