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Les Vagues

mise en scène Marie-Christine Soma

: Lettre du 27 octobre 1931 à G. L. Dickinson

Ce que vous dites avoir ressenti à la lecture des Vagues est exactement l’impression que j’ai cherché à créer en l’écrivant. Nombreux sont ceux qui m’ont dit l’avoir trouvé épouvantablement triste – ce n’était pas mon intention. J’ai voulu, en quelque sorte, ne serait-ce que pour ma satisfaction personnelle, trouver une raison d’être aux choses. Je donne à mon propos un tour bien plus catégorique que je n’en ai le droit – car je n’ai que des idées très générales qui me viennent à l’esprit au cours de mes promenades dans Londres et auxquelles j’essaie d’adapter mes petits personnages. Ce que je voulais tenter de faire comprendre c’est que nous ne sommes qu’une seule et même personne, et non des personnes distinctes. Les 6 personnages sont censés n’être qu’un. Je prends de l’âge – j’aurai 50 ans l’an prochain; et j’ai de plus en plus l’impression qu’il est difficile de me rassembler moi-même en une seule Virginia; même si la Virginia très spéciale dont j’ai emprunté l’enveloppe charnelle pour l’instant réagit très violemment à toutes sortes de sentiments distincts. C’est pourquoi j’ai voulu donner l’idée de quelque chose de continu; mais je n’ai réussi, à en croire la plupart des gens, qu’à donner l’impression de l’éphémère et du temps qui passe, de l’insignifiance de toute chose. Et pourtant, je suis parfaitement consciente de ce que les choses ont une énorme importance. Reste à en voir quel est le sens. Je suis bien incapable de le deviner; mais il y en a un – de cela, je suis absolument certaine. Peut-être que, vu les limites qui sont les miennes – incapacité à raisonner, etc. – tout ce dont je suis capable c’est de créer un tout artistique, et d’en rester là. D’un autre côté, j’en ai assez de m’entendre dire que je ne sais qu’enfiler des mots – toujours des mots, rien que des mots. Je commence à me méfier de la valeur des mots. C’est fou ce que parfois on aurait envie d’avoir laissé son empreinte sur le monde.


Virginia Woolf
Ce que je suis en réalité demeure inconnu, Lettres 1901- 1941, Point, 2010

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