Une pièce contemporaine dont la structure dramatique sous-jacente est semblable à celle d’une tragédie classique qui progresse, imperturbable, comme une machine (ou une mâchoire ?) dévoratrice de l’humain – ici la réalité professionnelle, celle de l’art en particulier, dans sa tentation permanente de faire de l’« art à succès ».

Anne s’offre à nous, d’une scène à l’autre, incapables de mesurer la part de réalité, de jeu, de déraison, de fantasmes et d’innocence perverse dont elle entrelace ses discours. Ce sont sans doute ces zones d’ombre et de mystère qui nous attirent chez elle, où nos propres mystères trouvent écho.

La ville s’effondre dans LE TRAITEMENT de Martin CRIMP, une ville contaminée par le bruit, l’agressivité, les violences de tous ordres, et d’où toute humanité semble avoir disparu…
Un rescapé pourtant de ce monde qui se dégrade, où « tout va toujours très vite » : le chauffeur de taxi aveugle.
Sa rencontre avec Anne est un instant de grâce et de poésie : un des derniers reflets de l’âme de New-York. Forte et fragile, chaleureuse et accueillante, elle est emprunte de déraison audacieuse et de confiance aveugle, sans lesquelles rien ne peut arriver …
L’instant d’une course, le chauffeur de taxi aveugle est le seul à voir Anne, comme elle est la seule à l’entendre : Rêve d’un rêve ?
Représentation poétique d’un idéal dont la dernière scène de la pièce serait une variation délirante ?

Une pièce qui nous interroge tous dans cette période de violences et de dégradations inquiètes.

Béatrice Séchet