Pour mieux en comprendre les enjeux, il convient de replacer le Monologue dans son contexte. Au début des années 70, Novarina a 23 ans et vient d’écrire L’Atelier volant, c’est un de ses tous premiers textes. Il se lance de 1970 à 1972 dans l’écriture d’une pièce monumentale en six actes Le Babil des classes dangereuses avec plus de deux cent personnages et qui ne sera publiée qu’en 1978 par Christian Bourgois. Le Monologue d’Adramélech fait partie du troisième acte du Babil mais peut être joué indépendamment. Deux éléments sont à mettre en perspective.

D’abord, le climat politique révolutionnaire d’après mai 68 qui est une composante du climat général de la pièce. Le thème de la lutte sociale y est central.

Ensuite, une certaine avant-garde artistique de l’époque où l’on essaye, à l’instar d’Antonin Artaud, de penser la langue avec la viande, l’écriture avec la pulsion, le sens avec ses bases sonores, etc. L’écriture de Novarina s’inscrit pleinement dans cette problématique, dans l’exploration des langues et des corps. Il faut faire parler cette langue d’en dessous, cette langue refoulée qui vient du plus enfoui et qu’on cherche à faire taire. La lutte sociale devient lutte des langues. La parole devient débordante et s’amplifie jusqu’au vertige sonore : « Le babil des classes dangereuses doit cesser ! Il faut que le babil des classes dangereuses cesse ! ». Le « babil » indique à la fois un bavardage enfantin, inutile, mais aussi la possibilité d’une réinvention de la langue. Les exploités se mettent à parler, à désorganiser et à se réapproprier la parole dominante. Chez Adramélech, la parole sort par le corps, par tous les trous du corps. « Je lance ma clameur géante du trou du bord ».