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Le Ministre japonais du commerce extérieur

+ d'infos sur le texte de Murray Schisgal traduit par Stéphane Valensi
mise en scène Stéphane Valensi

: Note du metteur en scène

Les personnages de Schisgal, poussés par la nécessité, font du théâtre sans le savoir et empruntent le parcours du comédien de la coulisse au plateau sans bouger de la scène de leurs propres vies. Caustique ou touchante, la comédie ici ne cesse de poser la question de la représentation, des représentations, miroirs déformants qui font de notre vie et de notre parole un théâtre.
La puissance comique des personnages naît de leur mauvaise foi assumée. Les désirs se réveillent en même temps que se révèlent frustrations, mesquineries, corruption. Le Maire Roger Eichelberry, cuistre usant de termes châtiés qu’il maîtrise mal, passe de la flagornerie à l’abattement, de la dépression à l’autoritarisme. Chez le personnage du ministre, le comique naît du vertige qui le prend, fort du crédit que les autres lui accordent et qui le révèlent à lui-même. Acteur falot et soumis dans les scènes privées avec sa petite amie, il devient un séducteur patenté et acteur inspiré devant son nouvel auditoire. Tous les personnages sont travaillés par des humeurs contraires. La scénographie de Gérard Didier, épurée, s’attachera à camper l’intérieur rustre et négligé d’une Amérique ordinaire. Tulle ou toiles représenteront un paysage de campagne, le mobilier accentuera la représentation naïve de l’ensemble. Les bruits du dehors, ou les musiques destinées à orchestrer la frénésie qui gagne les personnages relèveront aussi d’une vision naïve. La lumière de Pierre Gaillardot, rendra compte du passage du temps, du début où la comédie monte en force à la fin quand tout s’immobilise et que les personnages vidés de tout espoir, figés, se font pathétiques et graves. Architecture lumineuse de l’espace pour accentuer les perspectives, les irruptions soudaines, le vaudeville. Le plateau est gagné par l’agitation : entrées et sorties. Les deux frères messagers font le va-et-vient entre l’intérieur et l’extérieur, pour apporter les nouvelles du dehors. Il y a aussi ce qui se joue hors champ pour les personnages mais que le public voit. Derrière les cloisons. Les habitants et leurs invités s’épient sans cesse. L’oeuvre de Schisgal est une exploration au coeur de l’humain. Elle pose dans le style de la comédie - avec des personnages typés et excessifs - un regard lucide et amusé sur l’homme, condamné à jouer ce qu’il n’est pas. La direction d’acteurs s’attachera à orchestrer et harmoniser sons et rythmes pour rendre compte du charme essentiel de la comédie sans rien céder sur la vérité des êtres. Comme le suggère Gogol, moins l’acteur pensera à faire rire ou être drôle plus il révèlera le comique qu’il aura pris de son rôle. Le comique se révèlera tout seul justement par le sérieux avec lequel chaque personnage représenté dans la comédie est pris par ce qu’il fait. Ne pas mentir comme un fanfaron mais avec de l’émotion. Jouer Schisgal comme l’on jouerait Tcheckhov avec un clin d’oeil aux grands comiques américains (Jerry Lewis ou Danny Kaye).

Stéphane Valensi

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