: L’approche du metteur en scène
Première pièce de Giono (1941), qui en écrira bien d’autres, Le Bout de la route est sans doute aussi la plus belle.
Simple comme une tragédie grecque, ample comme un roman, elle déploie une langue incroyable, goûtant
à pleine bouche l’humus et l’air vif des montagnes, sans pittoresque aucun, avec des mots qu’on dirait trouvés le
long du sentier comme des trésors d’humanité, gros des rires et des larmes de toute vie d’homme et de femme,
de la naissance à la mort.
Jean l’étranger est aussi « raconteur d’histoires » : par son art de la parole, il sait frayer de nouveaux passages aux
puissances du désir dans les terres les plus arides, les coeurs les plus desséchés. Mais, paradoxalement, cet artiste
du « regain », ce sourcier de l’amour est lui-même comme absent du monde des vivants : trahi par la femme de sa
vie, il ne peut continuer à mettre un pied devant l’autre qu’à condition de se mentir à lui-même, d’entretenir l’illusion
d’une vie conjugale idéale en s’inventant une épouse fidèle mais fantomatique !… Et, à force de s’aveugler,
Jean passera à côté de l’amour de Mina, qu’il aura lui-même aidé à éclore…
Le théâtre, ce lieu d’où l’on voit, est l’endroit idéal pour donner à voir l’invisible : l’espace des fantômes et des
morts, qui vous côtoient et vous accompagnent dans la vie, jusqu’à parfois vous étouffer… Chez Jean Giono
(« Jean » comme le voyageur qui vient toquer à la porte…), cet invisible, pour être visible, semble aussi avoir un
prix : l’aveuglement…
François Rancillac
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