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Le Bout de la route

+ d'infos sur le texte de Jean Giono
mise en scène François Rancillac

: Renaissance

Nombre de romans de Giono d’avant-guerre, contemporains du Bout de la route (1931), racontent une re-naissance. Que ce soit un village abandonné qui se repeuple grâce à la rencontre d’un paysan et d’une « fille de rien » (Regain), une famille desséchée par la honte qui reprend vie grâce à l’amour fou d’un ouvrier agricole pour la « fille perdue » de la maison (Un de Baumugnes), ou tout un plateau provençal désertifié peu à peu réinvesti par la nature, les cultures, les animaux et les oiseaux, grâce à l’enthousiasme d’un poète acrobate (Que ma joie demeure), etc. – chaque fois il s’agit d’une victoire de la vie sur la mort : l’eau re-circule dans les veines de la terre, le désir irrigue à nouveau les corps, et c’est un recommencement.


Il en est d’abord ainsi dans Le Bout de la route : la ferme, où Jean atterrit un soir, au hasard de sa marche, est comme tétanisée par le deuil. Le maître de la maison a brutalement péri il y a quelques années, suivi tout récemment par sa fille aînée, fracassée par une roche dévalant la montagne... Depuis, la Grand’mère s’est cloîtrée dans une chambre, geignant nuit et jour sa douleur comme une folle. Depuis, Rosine, la maîtresse de maison, s’est enfermée derrière un masque d’autorité et de dureté pour supporter la charge de toute la maisonnée : elle est devenue « Rosine la Sauvage ».
Tout autour de la ferme, c’est la nuit (quasi omniprésente dans la pièce), une nuit froide, cristallisée d’étoiles et de silence…


La seule petite herbe malingre qui réussit à pousser, bon gré mal gré dans ce monde minéralisé par la mort, est l’amour encore informulé de Mina (la cadette) et du jeune forestier, Albert, qui descend chaque mardi de ses hauteurs pour partager un moment avec la jeune fille, jusqu’à ce que Rosine le mette dehors.


C’est alors que débarque cet étrange étranger qu’est Jean, à la voix douce, au sourire triste, à la poigne solide et au verbe haut. Avec lui, c’est une bouffée d’air et de lumière qui rentre dans la salle « voûtée et noire ». Sa bonté profonde, sa franchise inébranlable, son absence totale de peur, son regard pénétrant vont déstabiliser les habitants de la ferme, les obliger à parler, à se reparler, à secouer la cendre qui étouffait les langues et les coeurs. Ce « raconteur d’histoires » (estce un hasard s’il porte le prénom même de l’écrivain ?), ce nouvel Orphée fuyant son Eurydice, sait, par son art de la parole, frayer de nouveaux passages aux puissances du désir dans les terres les plus arides, les coeurs les plus desséchés. Alors c’est Albert qui ose enfin déclarer son amour à Mina (qui entre en scène, couronnée de pervenches, première fleur du printemps, aux vertus curatives : tout un symbole !). Alors c’est Rosine qui accepte contre toute attente de recevoir l’étranger, et s’autorise à nouveau l’humour et la tendresse. Et c’est la Grand’mère qui se glisse hors de sa chambre pour parler avec Jean. Et c’est Jean lui-même, blessé à mort par la trahison de sa femme, qui redevient comme un enfant en buvant le verre de lait offert par Albert, Jean qui baptise son hôte « maman Rosine », et qui est comme ré-accouché par la Grand’mère, au coeur de la nuit, en réussissant enfin à pleurer toutes les larmes retenues depuis des jours et des jours de marche aveuglée…


Ce « regain », provoqué par l’arrivée de Jean, ramène le soleil dans la pièce de Giono (tout le deuxième acte se passe durant une chaude après-midi d’automne éblouie de lumière et de verdure) et semble même contaminer tout le village (incarné par le vieux Barnabé et la jeune Mariette), lui aussi « réveillé » par la bonté et le franc-parler de cet homme singulier, qui passe ses journées à travailler pour les autres, à aider. Pendant que le pain (autre symbole !) cuit dans le four banal, les filles et les garçons dansent au pied du chêne la fête de la vie…


Si ce n’est que Jean n’est pas de la partie…

François Rancillac

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