Comment la parole accompagne-t-elle une image, comment le pilotage de/dans ces images peut-il être permis par un dispositif interactif ?
Ces questions ont nourri Daniel Danis lors de l’écriture de ce « roman-dit », en intégrant les possibilités narratives induites par un dispositif technologique ou empruntant à d’autres narrations (comme le roman photo par exemple).
Le texte a été écrit avec pour support le souvenir de photos d’un lac de sel en Arizona, photographié par Krista Boggs. Ces photographies sont présentes dans des boîtes d’archives occupant les tiroirs d’un lit à roulettes, qui relève autant du lieu du rêve, de la chambre d’enfance, du castelet que de la « scaphandrière », inventée par Pierre : tout à la fois table, cercueil, appareil de plongée, pont de navire.

Pierre revisite des archives photographiques de la famille, qui servent d’appui à son récit. Seul en scène, il fait entendre tous les protagonistes, au fur et à mesure que les souvenirs émergent des photographies et apparaissent sur un écran en arrière de lui ou au sol, dessinant un lac de photographies dans lequel il se déplace, comme on plongerait dans ses souvenirs.

Explorant l’image de sa plus petite taille à son format panoramique, nous recourrons à plusieurs supports de projection : les tirages photographiques, les boîtes d’archives, mais aussi le drap du lit, les tiroirs, puis un grand écran blanc, page blanche d’où émerge l’image.

La réalité du conte est de faire advenir tout par la parole, d’où notre volonté de partir d’un dispositif réduit (un écran, un lit, des photos et des caméras dissimulées) en essayant d’explorer comment des images peuvent être modifiées, déclenchées, pilotées par la parole du comédien et par sa gestuelle, ou le déplacement d’éléments scéniques.

Un autre volet du travail se concentre sur la reconnaissance vocale, en lien avec l’origine orale du conte (pratique fondatrice du théâtre d’Olivier Letellier) et sur la présence de texte projeté, manière d’explorer l’origine écrite du texte de Danis. Cette dimension de pilotage par la voix et de présence typographique du texte est l’un des questionnement de fond que nous développons actuellement dans les projets de la Cie Songes mécaniques.

Tous les éléments constituant le spectacle sont ainsi utilisés afin de créer un langage inédit, imprégné tout autant d’une tradition orale que de possibles technologiques, sources d’explorations poétiques et sensorielles. La scaphandrière se veut donc un récit d’image, où images, texte et paroles se mêlent.

Ludovic Fouquet