: La genèse et les intentions
Entretien avec Julien George – metteur en scène
D’où te vient cette envie de monter La puce à l’oreille ?
Tout d’abord, je dois dire que je suis, ces dernières années, dans un processus personnel qui
me pousse à revenir sur les origines de mon envie de théâtre. De même que mettre en scène
Quai Ouest de Koltès (au Loup en 2009) était pour moi une façon d’explorer l’influence
qu’avait pu avoir Claude Stratz – pédagogue et metteur en scène – sur mon travail, me confronter
à Feydeau est un moyen de me rapprocher de ce qui avait confirmé ma « vocation »
alors que j’interprétais le rôle de Camille Chandebise à l’occasion d’un atelier théâtre
lorsque j’étais adolescent. Monter La puce à l’oreille, c’est donc un retour aux sources, la
possibilité de m’approprier ce qui fut fondateur pour moi.
Ensuite, il y a l’envie d’un acteur – Laurent Deshusses – que j’ai côtoyé à plusieurs
reprises sur les plateaux de théâtre et de cinéma. C’est en observant son jeu que l’idée de la
pièce m’est revenue à l’esprit. Il a, selon moi, « le rythme intérieur » pour jouer du Feydeau.
Le double rôle de Chandebise/Poche est à son exacte mesure par la virtuosité et le rythme
comique qu’il exige.
Qu’en est-il des thématiques de la pièce ?
La puce à l’oreille traite, comme toutes les pièces de Feydeau, de l’infidélité dans le couple,
une thématique universelle et intemporelle. Mais ce qui est à relever, c’est le fait
qu’elle traite ce sujet à tous les niveaux de personnages. Les bourgeois comme leurs domestiques
vivent les mêmes « aventures ». C’est grâce à cela que se dégage de la pièce une
sensation de machine infernale, de tourbillon.
En allant plus loin, on peut dire que La puce à l’oreille pose passablement de questions sur
le rapport que chacun entretient avec sa condition sociale. Cela peut paraître incongru en
parlant de Feydeau, mais il se trouve qu’il brosse, dans ses pièces, un portrait critique de
son époque, de son milieu, de ses contemporains. Il utilise pour ce faire des leviers relevant
du comique de situations, de la farce, du burlesque, ce qui donne au spectateur la distance
nécessaire pour pouvoir se projeter dans les situations qu’il développe. Dans La puce à l’oreille,
le fait même que Chandebise, un bourgeois directeur d’une compagnie d’assurances,
possède comme sosie le garçon d’étage d’un hôtel « de petite vertu » donne le ton : le
même visage pour deux personnages issus de classes sociales diamétralement opposées.
Tous les quiproquos qui vont suivre seront issus de ce postulat de départ invraisemblable.
Quels sont les paramètres les plus importants pour toi dans la mise en scène de ce projet ?
D’abord une équipe ! Mon mot d’ordre, c’est la troupe !
D’une façon générale, la mise en scène implique pour moi que l’acteur soit au centre du
projet, dans le sens où la majeure partie de la matière créative est issue des acteurs. Mon
travail s’attache à révéler aux acteurs ce qu’eux-mêmes produisent. Il s’agit d’une forme de
dialogue entre eux et moi qu’il m’est indispensable d’entretenir.
Pour cette production particulière, la distribution est large et éclectique. La notion de troupe
que je pourrai induire sera d’autant plus essentielle. (…)
L’écriture de Feydeau exige une énorme écoute entre les protagonistes, une attention jamais
relâchée. Il faut, par conséquent, que le groupe d’acteurs soit le plus homogène possible. A
cette fin, j’ai fait appel à trois personnes très en amont dans la préparation, afin de former
une équipe réduite de réflexion autour du projet et d’être ainsi à même de proposer aux acteurs
un univers fort dans lequel ils pourront se plonger ensemble dès la première séance de
répétitions.
La puce à l’oreille ne sera pas mon premier spectacle. Même si l’univers théâtral de mes diverses productions est très différent, je perçois mon travail comme une continuité. C’est pourquoi le fait de monter cette pièce au Théâtre du Loup est important pour moi. C’est la possibilité d’entretenir avec ce lieu et les personnes qui le font vivre une relation de confiance et de fidélité. Le spectacle est d’ailleurs pensé pour le lieu.
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