« Aujourd’hui, j’entends qu’il y a tant d’innovations qu’on doit réapprendre tout ce qu’on a appris. »
Dostoïevski, L’idiot.

Après « la vie de Galilée » de Brecht créé en 2011, notre compagnie souhaite approfondir le travail mené autour des thématiques contenues dans la pièce de Brecht. Ainsi, faisant appel à la même équipe composée d’un metteur en scène, de six comédiens, d’une dramaturge et d’un sociologue, notre prochaine création sera un spectacle de théâtre documentaire traitant de la recherche scientifique. Elle s’articulera autour de ces premières pistes de travail : son statut au sein de la société, sa capacité à être ou non démocratisée et démocratique, les rapports qu’elle entretient avec les systèmes de domination en place, les sacrifices qu’elle exige ou non pour la servir et surtout sa capacité à dévoiler l’opacité du monde. Les recherches que nous avons effectuées lors de l’aventure Galilée nous ont laissés sur notre faim. Notamment le travail engagé avec Paul Virilio autour des procès Galilée et Oppenheimer.

Nous constatons actuellement des rapprochements récents entre arts et science et nous souhaitons questionner ce mariage en pleine expansion. La science provoque souvent chez la plupart d’entre nous un imaginaire fertile et nous passons fréquemment à côté des réelles problématiques et résurgences sur notre société. La démocratisation de la science pose de vraies questions éthiques dont il ne nous reste très souvent qu’une vision parcellaire. Nous souhaitons donc embrasser l’ensemble de ces questions et tenterons de les remettre en perspective de manière sensible au gré de nos rencontres, utilisant la théorie, l’expérience, l’anecdote et le vécu comme « matière théâtralisable ».

Pour cela, nous avons souhaité nous immerger en milieu universitaire. Chacun des acteurs de notre compagnie a choisi un sujet scientifique qu’il souhaitait approfondir. A ce jour, sont déjà répertoriés : La biologie végétale / Virgile Simon, Les nanotechnologies / Camille Daloz, Science et Religion / Julie Minck, Financements de la recherche scientifique et son rapport au politique / Amarine Brunet, Le doute de l’escargot (en mathématiques) / Stefan Delon, Ramène pas ta science ! (ou paroles de scientifiques)/ Jean-Christophe Vermot-Gauchy.

De plus, notre compagnie, depuis sa création, s’est volontairement tournée vers le travail avec des universitaires. Volonté née de notre parcours universitaire dont la valeur réside dans le croisement entre théorie et pratique, nourrissant nos envies de théâtre autant que nos vies personnelles. Les éclairages que de telles rencontres supposent nous permettent de mieux transmettre notre sujet (au sens brechtien du terme) et de simplifier encore le rapport au plateau et au public. C’est donc autour de ces valeurs que nous travaillerons cette année encore avec l’aide du sociologue Jean Constance et de Marie Reverdy docteur en études théâtrales, dramaturge et versée en épistémologie. Ces deux universitaires aideront les acteurs et prépareront de leur côté deux conférences en lien avec notre travail. « Arts et sciences » pour Marie Reverdy et « Arts et réel » pour Jean Constance. Le premier aidera à la mise en scène et aux problèmes de reproduction du réel, la deuxième à la dramaturgie et la théorie, les deux oeuvreront en outre à la théorisation du travail du Primesautier Théâtre.

Chacun des acteurs aura donc à charge de travailler en autonomie sur son sujet et d’en proposer une courte forme théâtrale. Une fois ces formes personnelles abouties, nous en commencerons le montage général en les interconnectant entre elles. Nous en dégagerons les points d’achoppements, en chercherons les points communs et les différences pour en soulever des questions d’ordre plus général. Nous en discernerons enfin les champs sémantiques et dramaturgiques afin de construire ensemble une poétique commune. Pour ce faire, au sein de notre « laboratoire théâtral», il s’agira de convoquer plusieurs modèles d’interaction et de les expérimenter ensemble : « scientifiques - acteurs », « dramaturge – acteur », « acteur - metteur en scène », « acteur – acteur », « sociologue – acteur »…

Puis nous réfléchirons ensemble sur la perception du travail et sur le rapport au public de l’oeuvre ainsi construite. Elle reflètera ainsi les rapports établis entre tous les participants de ce processus de création et leurs attitudes éthiques et sociales qui seront lisibles en souscouche dans l’espace de la représentation. Elle connectera également entre eux plusieurs aspects de notre recherche :

• les rapports entre arts et réel
• les rapports entre arts et sciences
• les rapports entre Politique et recherches
• des sujets scientifiques précis (Nanotechnologie, Sciences et Religions…)
• des questions générales intrinsèques à la communauté scientifique
• des anecdotes et exemples éclairants

Ces rapports enfin admis, posés, expérimentés et hybridés aboutiront à une création documentaire à l’esthétique hétérotopique ne dédaignant pourtant pas une trame narrative intelligible.