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L'Apprenti

+ d'infos sur le texte de Daniel Keene traduit par Séverine Magois
mise en scène Laurent Crovella

: Notes du metteur en scène

Origine du projet : la rencontre avec L'apprenti.


En 2012 j'ai mis en scène trois pièces courtes de Daniel Keene. Il s'agissait de Entre aujourd'hui et demain, Avis aux intéressés et La Visite. Ces trois pièces regroupées, sous le titre générique de La petite trilogie Keene abordaient une thématique commune : celle de la filiation. Il me semblait que chacune d'entre elles creusaient le sillon d'une même question : Dans un monde où les adultes peuvent se révéler fragiles, que pouvons-nous dire à nos enfants, sommes-nous capables de les entendre ?


Avec l'équipe, tout au long de notre travail de création, nous avons lu d'autres pièces de l'auteur. Nous avons effectué une sorte de plongée dans son oeuvre. Cherchant les résonnances, les points communs et les divergences d'une pièce à l'autre. Ainsi nous avons lu et commenté une dizaine d'autres textes qui pouvaient enrichir et mettre en question notre recherche. Lors de ces lectures nous avions lu l'intégralité de L'apprenti. Ce texte venait d'être édité il y a peu. A la différence des trois textes sur lesquels nous étions en train de travailler (qui avaient pour point commun, au-delà de leur thématique, le fait d'être tirés d'un recueil de pièces courtes) L'apprenti est une pièce "longue". Je me souviens avoir présenté le texte de la pièce à l'équipe comme étant une pièce "voisine" de notre trilogie. Je n'ai rien ajouté et nous avons débuté la lecture du texte. Ce devait être une lecture de plus, du même auteur, enrichissant notre parcours de lecteurs attentifs.


J'ai le souvenir très vif de ce moment. Il y avait autour de notre table de travail six comédiens, hommes et femmes, qui lisaient alternativement les personnages de Pascal et Julien. Nous avions pris l'habitude, jusque-là, de nous arrêter au cours de nos lectures, commentant un passage ici, relevant une similitude là. Cette fois-ci, il en fut autrement. La lecture eu lieu sans interruption, d'un seul jet, fulgurante. Une fois les derniers mots de la pièce prononcés par les acteurs, il y eut un long silence. Une émotion presque palpable s'était emparée de chacun d'entre nous.


Quelques jours plus tard Séverine Magois (Traductrice, agent et fidèle compagne de route de l'auteur) nous a fait le plaisir de rejoindre l'équipe des Méridiens pour une séance de travail. Elle apporta un éclairage précieux sur l'oeuvre. Nous Livrant, ici et là, quelques clefs précieuses avec une rare générosité. Elle vint à nous dire que le texte de L'apprenti était le fruit d'une commande et que les commanditaires de la pièce avaient trouvé le texte trop faible pour le porter à la scène !


Pour ma part, encore "sonné" de notre découverte, j'avais décidé de faire une lecture publique à Haguenau, où nous étions alors en résidence, au plus vite. Cette lecture fut un petit moment de grâce. Les spectateurs, témoins, furent aussi très touchés. Depuis, L'apprenti m'accompagne comme un rendez-vous en attente. Lorsque Guy-Pierre Couleau m'a proposé de devenir artiste associé à la Comédie de l'Est c'est tout naturellement que je lui ai proposé de mettre en scène ce texte, me permettant ainsi d'aller à la rencontre de ce rendez-vous trop longtemps différé, avec le secret espoir de partager avec les spectateurs de Colmar l'émotion qui nous avait submergés lors de notre première lecture. Je crois de plus en plus que mon métier est d'être passeur d'émotions entre les auteurs et les spectateurs.


Note de mise en scène


Si dans les pièces qui constituaient La Trilogie nous étions face à des personnages en lutte, au pied du mur, face à un destin tragique, L'apprenti met en scène deux personnages qui vont, peu à peu, d'une saison l'autre, apprendre à se connaître. Pascal et Julien sont des personnages étrangers l'un à l'autre poussés par la nécessité de leur improbable rencontre. Cette rencontre bouleverse leurs habitudes et créé le mouvement. Ils sont déplacés l'un par l'autre, l'un avec l'autre. Ils forment un couple par le choix d'un seul. L'apprenti est une pièce solaire, subtile, derrière le paravent d'une apparente simplicité. Il s'agira donc dans la mise en scène de travailler par effet de glissements, de pente douce. Pascal et Julien se présentent comme des figures : Héros d'une fable incongrue. Julien se projette dans le visage de Pascal et Pascal se reflète dans la figure de Julien. Il s'agira donc, de traiter la question de la projection et du reflet. Ce sont ces projections et ces reflets qui déplacent les personnages. D'une demande impossible : celle de se choisir un père de substitution, la pièce évolue vers la construction d'une amitié essentielle. Ou comment un amour impossible peut devenir une amitié profonde ? Cette pièce pourrait-être l'histoire d'une tectonique émotionnelle et affective. Qui apprend le plus de l'autre, quel est le véritable apprenti ?


A l'origine de ce projet, au moment où j'écris ces quelques lignes, à l'instant des premiers rêves et de ce qui sera demain un spectacle, je me pose toujours cette question essentielle à mes yeux : quelle sera la place du spectateur ? Comment lui adresser ce texte ?


J'aimerais que le spectateur puisse être un témoin privilégié. Tour à tour, client d'un bar, présent lors de la rencontre initiale puis spectateur dans un cinéma, passant dans un jardin public, témoin hasardeux, halluciné, amusé et bienveillant de cette histoire en construction.

Laurent Crovella

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