L'Honneur perdu de Katharina Blum, ce fut d’abord un court et fulgurant roman d’Heinrich Böll, prix Nobel de littérature, publié en 1974.
Ce fut ensuite un film culte, réalisé dans la foulée, par Volker Schlöndorff et Margarethe von Trotta.
Deux chefs-d’oeuvre emblématiques de la culture des années 1970, ces fameuses années dites "de plomb" au cours desquelles, les Brigades Rouges en Italie, La Fraction Armée Rouge (RAF) en Allemagne marquèrent de leur empreinte violente les mouvements révolutionnaires de gauche.

L'histoire de Katharina Blum, victime d’une certaine presse à scandale, traduit deux phénomènes alors en pleine émergence, que le génie visionnaire d’Heinrich Böll tisse dans une fiction prophétique : d’une part le sensationnalisme des tabloïds, d’autre part l’hystérie d’une politique sécuritaire et policière du pouvoir d’État.
Ayant dénoncé dans une série d'articles les dérives d'une certaine presse populiste, sur le sujet de la bande à Baader, le prix Nobel fut lui-même violemment pris à parti par le Bild Zeitung. Son roman est à la fois une réponse à cette histoire personnelle et un récit polémique contre les abus médiatiques et policiers qui sévissent dans ces années de plomb, hantées par la répression des mouvements révolutionnaires terroristes.

Le film de Volker Schlöndorff et Margarethe von Trotta devint un miroir tendu à toute une génération, inquiète des menaces qui pesaient sur la démocratie, avec entre autre, l’apparition des fameuses lois dites « sécurité et liberté » qui enfreignaient les limites de l’Etat de droit sous couvert de vouloir en faire respecter les lois.

Les années de plomb sont derrière nous, le terrorisme a pris d’autres formes, les mouvements révolutionnaires se sont absentés de nos démocraties occidentales, la politique est devenue un show planétaire, flirtant avec les medias plus enclins à suivre les aventures privées des têtes qui nous gouvernent qu’à éclairer les dysfonctionnements du monde, et la démocratie est toujours aussi menacée par ce que certains appellent la dictature douce, celle des médias et nouvelles technologies qui nous racontent des histoires pour nous détourner de l’Histoire.